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Bouna M. Fall, Enseignant -Chercheur : "L’absence de réglementation est un danger pour l’audiovisuel"

mercredi 13 avril 2005

A 33 ans, Bouna Manel Fall enseigne au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) le droit des médias. Une discipline que ce chercheur maîtrise bien. Et lorsqu’il en parle, c’est avec une dose de passion. Mais ce juriste ne cache pas ses vérités en soulevant les questions du financement, de la régulation, le défaut de réglementation du secteur de l’audiovisuel ainsi que la voie à suivre pour y apporter des solutions à ce secteur dont il voit en rose son avenir. Wal Fadjri : Jusqu’en juillet 2003, la croissance du secteur de l’audiovisuel s’était heurtée à des défaillances de l’environnement institutionnel et réglementaire. Est-ce qu’aujourd’hui, il y a une évolution ?

Bouna Manel Fall : Ce qu’il faut savoir, c’est que jusqu’à présent, les choses sont restées en l’état. Certes, il y a des réformes en vue, mais ce qu’il faut considérer, c’est que le secteur n’a pas encore atteint toutes ses possibilités de financement.

Wal Fadjri : Pourquoi ?

Bouna Manel Fall : Cela est dû à un environnement législatif, réglementaire qui n’est pas encore en adéquation avec l’activité matérielle de communication. Cet environnement est un peu bancal parce que, s’il y a une ouverture totale du paysage radiophonique, on constate quand même qu’il y a un pluralisme limité au niveau de la télévision. Ensuite, les entreprises de radios privées font l’expérience de difficultés relativement au financement de leurs activités. La masse du secteur publicitaire est très importante. Elle est de 8 milliards de francs Cfa par an. Mais ces entreprises peinent à trouver toutes les ressources dont elles ont besoin dans cette même masse budgétaire.

Wal Fadjri : Il existe quand même des cahiers de charges qui peuvent servir de loi ou de réglementation du secteur.

Bouna Manel Fall : Effectivement, il y a deux cahiers de charges. L’un est relatif aux radios privées associatives et un autre aux radios privées commerciales. Celles-ci ont vocation à faire des bénéfices. Là, le financement s’oriente généralement vers la publicité et accessoirement vers d’autres types de ressources comme le parrainage. Mais le problème se pose au niveau des radios privées associatives où la publicité est interdite. Même si dans la pratique, on se rend compte que c’est autre chose que cela. Quel peut être le principal moyen de financement de ces radios privées associatives ? C’est ça la question. Et en l’état actuel du cahier de charges, les dispositions sont ce qu’elles sont. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de changement à ce niveau.

Wal Fadjri : Les cahiers de charges se révèlent-ils suffisants pour réglementer le secteur de l’audiovisuel au Sénégal ?

Bouna Manel Fall : Pour l’instant oui. Depuis 1994, on fonctionne sur la base de ces cahiers de charges. Mais, beaucoup de choses ne sont pas prises en compte par ces cahiers de charges. Qu’est-ce qu’on va faire par rapport à ces choses ? Est-ce qu’il ne faudrait pas faire une loi plus large qui puisse prendre en charge tous les problèmes du secteur ou bien est-ce qu’il va falloir modifier les cahiers de charges ou les adapter ? Il appartient aux pouvoirs publics de se prononcer sur ces questions.

Wal Fadjri : Quelles sont ces questions dont vous faites allusion et qui ne sont pas prises en compte par ces cahiers de charge ?

Bouna Manel Fall : Par exemple, on se prononce sur le temps de publicité qui est accordé à chaque station. Mais pour les normes relatives à la publicité au plan international, rien n’a été dit dans les cahiers de charges. Il n’y a pas une prise en charge effective. Par exemple, les normes publicitaires internationales disent qu’entre les émissions normales et les émissions publicitaires, l’écart doit être au maximum de 13,8 décibel. De telles dispositions n’existent pas dans le cahier des charges au Sénégal. Ensuite, il y a des dispositions qui sont dans les cahiers de charges, mais dont l’applicabilité est très difficile. C’est par exemple l’interdiction de la publicité sur les radios privées associatives. Il y a tout un ensemble de choses sur lesquelles il faudrait revenir.

Wal Fadjri : Il y a donc des manquements au niveau des cahiers de charges.

Bouna Manel Fall : Bien sûr. Toute loi est à parfaire. Il n’y a pas de loi parfaite. Parce que la loi est faite suivant un environnement, un moment. Et si on rend compte qu’il y a de nouveaux problèmes qui surgissent, un effort de réadaptation, de rééquilibrage est à faire. Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’il n’y a pas un pays au monde où les choses ont été, dès le départ, parfaites. Prenons le cas des Etats-Unis d’Amérique. La télévision par câble a fait son apparition dans ce pays dans les années 40. Mais il a fallu attendre 1962, c’est-à-dire vingt-deux ans après pour qu’il y ait une réglementation. Et même cette réglementation était tellement excessive que finalement, les câblo-opérateurs ont attaqué la Federal Communication Commission (Fcc) devant la Cour suprême des Etats-Unis dans une affaire Midwest Corporation contre Fcc. Et au terme de l’arrêt de la Cour suprême, la Fcc a été dessaisie de tous ses pouvoirs en ce qui concerne la réglementation du câble aux Etats-Unis. Maintenant le câble est régi par la législation des Etats fédérés ou bien par la législation des pouvoirs locaux. Dans les pays du monde, il y a eu un retard du juriste sur le technicien. Mais ce qui est important, c’est qu’il faut toujours se placer dans une perspective de rééquilibrage, de remettre les choses en l’état et d’offrir les meilleures garanties possibles par rapport à l’activité de télécommunication.

Wal Fadjri : Quelles sont les conséquences qui pourraient résulter de l’absence de réglementation du secteur ?

Bouna Manel Fall : L’absence de réglementation du secteur est un danger. Parce que, ce qu’on peut dire en matière de communication audiovisuelle, c’est qu’il faut faire tout pour être dans le triangle normatif. C’est-à-dire un triangle qui est composé des pouvoirs publics, des usagers et des opérateurs privés. L’ensemble des activités menées au niveau du secteur doit se faire par rapport aux règles posées dans le cadre de ce triangle normatif. S’il y a une réglementation lacunaire ou défectueuse ou même absente, personne n’est en sécurité. Les usagers ne pourront pas prétendre à des services de qualité, les opérateurs économiques ne pourront pas prétendre à un environnement sécurisé où leurs investissements seront retournés dans des proportions raisonnables et les pouvoirs publics auront aussi des problèmes par rapport à la prise en charge du service public de la communication des informations et des idées. A tous les niveaux, il y a un intérêt à ce qu’on travaille sur le cadre législatif et réglementaire, à mieux l’adapter aux besoins pour que les choses aillent mieux.

Wal Fadjri : A votre avis, qu’est-ce qu’il faudrait faire pour qu’il en soit ainsi ?

Bouna Manel Fall : Pour y arriver, il y a une voie royale. Et cette voie royale, c’est la régulation. Il faut réguler le secteur. Il faut poser des règles qui puissent être entendues de tout le monde et qui puissent être respectées. Dans tous les pays du monde, il y a des organismes de régulation du secteur audiovisuel qui prennent en charge les problèmes du secteur, qui codifient, qui réglementent et ces instances-là ont un rôle incontournable à jouer.

Wal Fadjri : Mais au Sénégal, il y a le Haut conseil de l’audiovisuel (Hca) qui est une instance de régulation. A votre avis, est-ce qu’il fait le poids ?

Bouna Manel Fall : Le Hca est enfermé dans un périmètre de prérogatives précises. Il a pour principale mission, l’égal accès des politiques d’opposition aux médias d’État. Essayer de voir ce qui est possible de faire en matière de régulation, c’est revoir le champ de compétence du Hca, de doter celui-ci de moyens humains et matériels qui puissent lui permettre de prendre en charge effectivement le domaine de la régulation au Sénégal. Il faut que cette institution devienne ce que l’on appelle une autorité administrative indépendante, c’est-à-dire une autorité dotée de pouvoir de réglementation de sanction, de contrôle, de consultation, etc. Ensuite, il faudra faire en sorte que le Hca soit une institution nettement séparée et du parlement et du gouvernement et aussi garantir son indépendance en lui dotant des moyens financières. Donc, à notre avis, il faudrait qu’on revoit la lettre de mission du Haut conseil de l’audiovisuel (Hca) et essayer de voir comment est-ce qu’il faudrait mieux l’adapter au contexte.

Wal Fadjri : Pourtant il a été question d’étendre les compétences du Hca à l’élaboration de cahiers de charges ou de l’impliquer dans les procédures d’autorisation. Est-ce que cela peut être suffisant ?

Bouna Manel Fall : Ce serait déjà un excellent début. C’est tout à fait normal que le Hca revendique cela comme toutes les institutions homologues de l’extérieur. Au niveau de la France, l’autorité de régulation est compétente en matière d’attribution, en matière d’autorisation d’émission, en matière de suspension, voire de retrait. C’est elle qui jette un regard de police sur toute la réglementation du secteur audiovisuel en France. Donc il est normal qu’une institution de régulation prétende à ces compétences-là.

Wal Fadjri : Comment trouvez-vous le fonctionnement des radios privées au Sénégal ?

Bouna Manel Fall : Généralement, c’est un fonctionnement bancal. Déjà, en ce qui concerne le volet juridique, pratiquement la quasi totalité des stations de radios n’ont pas de service juridique. C’est déjà une faille parce que c’est cela qui dénote le manque d’interlocuteur lorsqu’il y a des négociations par exemple avec le gouvernement ou bien avec des partenaires. Il y a donc une méconnaissance du cadre législatif et réglementaire. Leur fonctionnement est aussi tributaire de leurs sources de financement. L’argent étant le nerf de la guerre, ces radios-là ont beaucoup de problèmes à mobiliser des fonds qui leur permettent de faire des programmes, de faire des prestations de services de qualité. Il y a certes l’enveloppe qui est dégagée par le ministère de l’Information en terme de fonds d’aide à la presse, mais il faudrait essayer de repenser à une nouvelle formule de financement des entreprises privées et publiques de radio ou de télévision. D’ores et déjà, si le secteur a un poids de 15 milliards de francs par an, d’après les projections, il est possible de multiplier par 4 voire par 5 ce chiffre si on a un bon système de financement. C’est le débat du futur.

Wal Fadjri : Qu’en est-il de l’avenir du secteur ?

Bouna Manel Fall : C’est un avenir rose parce que c’est un secteur en pleine croissance. En 2000-2001, il y avait 100 mille postes téléviseurs au Sénégal. Aujourd’hui, il y a à peu près un million de postes téléviseurs. Il y a plus de 57 fréquences qui ont été distribuées. La presse, on ne peut plus compter les titres. En un quart de siècle, on est passé de la pénurie à la profusion. Les supports sont démultipliés. Mais il faut qu’on encadre le secteur. Il faut qu’on garantisse les fonds qui pourraient être investis dans ce secteur-là. Il faut aussi qu’on garantisse les droits des gens qui pourraient être touchés à travers cette activité matérielle de télécommunication. Il y a aussi une vue sur le sous-régional, régional voire continental. Parce que quand on parle d’harmonisation du statut des journalistes partout en Afrique de l’ouest ou d’harmonisation du statut des entreprises de communication, c’est déjà des pas. Pourquoi ne pas avoir, au même titre que l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires (Ohada), un droit harmonisé en matière de communication de la zone ouest-africaine ou d’une manière générale à l’échelle du continent africain.

Propos recueillis par Ndakhté M. GAYE

(Source : Wal Fadjri, 13 avril 2005)

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