La plateforme fintech Bizao accompagne l’accélération de la transformation digitale sur le continent en développant l’interopérabilité des services financiers. Un contrat et un flux financier uniques, une seule intégration via API : tel est le triptyque proposé par la startup pour fluidifier le marché du paiement mobile en Afrique.
Malgré les 400 millions de comptes actifs mobile money répertoriés en Afrique subsaharienne ainsi qu’une progression spectaculaire de +40 % sur ces trois dernières années, les transactions réalisées à traves le paiement mobile se limite encore essentiellement à l’envoi d’argent entre particuliers (à hauteur de 90 %). Autant dire qu’il existe une marge de progression considérable concernant le secteur marchand.
La multiplicité des opérateurs mobiles entraîne une fragmentation qui alourdit encore les transactions pour les entreprises et qui bloque le développement de solutions à l’échelle nationale, voire régionale.
Partant de ce constat, Bizao a développé une plateforme d’interopérabilité, qui permet de fluidifier les échanges financiers. « Il existe 200 opérateurs répartis sur 54 pays et chacun travaille pour le compte de sa propre base client. En moyenne, les opérateurs disposent d’un tiers du marché national dans leur portefeuille client. Cette situation représente un véritable frein économique », constate Aurélien Duval-Delort, le fondateur de la startup.
« Avec Bizao, nous centralisations toutes les démarches commerciales à travers un contrat unique, une intégration technique simplifiée (via la disposition d’API sur la plateforme, NDLR) ainsi qu’un seul flux financier », poursuit-il.
La startup offre donc le double avantage de se présenter d’une part, comme un interlocuteur unique, et d’autre part de proposer aux clients finaux, un catalogue de services et de contenus variés, tous secteurs d’activités confondus, depuis leur mobile.
Accompagner les scale-up africaines de demain
« J’ai initié ce projet en 2017 au sein du groupe Orange en tant qu’intrapreneur. C’est devenu un projet multiopérateurs, car il est vite apparu que le besoin du client reposait sur la possibilité de travailler avec tous les opérateurs. Finalement, le groupe Orange a incubé la startup pendant 2 ans et Bizao est devenu indépendant en septembre dernier », explique le fondateur. « A ce jour, nous avons atteint 100 millions de transactions par mois sur la plateforme et ce volume devrait atteindre 500 millions dès 2020 », poursuit Aurélien Duval-Delort.
Avec un siège basé à Paris, 2 filiales sur le continent (Dakar et Abidjan), la startup est présente en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Cameroun, en République Démocratique du Congo et au Burkina Faso. Elle devrait étendre son périmètre à 5 nouveaux pays à court terme avant d’envisager un déploiement sur tout le continent. « Dans notre secteur, c’est la course à la taille de l’écosystème, qui correspond à la demande des clients », admet-il.
Bizao est en pleine croissance et recrute actuellement de nouveaux talents en Afrique. Si l’équipe fondatrice s’est constituée dans l’Hexagone pour des raisons de proximité avec son partenaire télécoms initial, la startup cherche à créer de la valeur sur le continent et à y créer de nouveaux emplois. « Nous avons commencé à développer un centre d’excellence à Dakar avec des ingénieurs recrutés en Afrique [...] Nous avons fait le choix que la « core-team » soit basée au Sénégal », souligne Mickaël Ptachek, Secrétaire général de Bizao.
S’agissant de la concurrence, Aurélien Duval-Duport explique : « En France, il existe 500 fintech pour 70 millions d’habitants, alors qu’il n’existe qu’une dizaine de fintech solides sur toute l’Afrique pour 1 milliard d’habitants. Au demeurant, l’objectif est de croître ensemble ». Un point de vue partagé par Ptacheck, l’expert financier qui a créé il y a quelques années, le département fintech du cabinet KPMG.
A présent membre du Comex de Bizao en charge des finances, du juridique et des ressources humaines, il précise : « Aujourd’hui, nous sommes davantage sur des problématiques de delivery que sur des questions de prise de parts de marchés ».
Impulser une dynamique vertueuse
« Il existe beaucoup d’initiatives très intéressantes qui ont besoin d’un accès de paiement comme le mobile money. C’est souvent compliqué pour les startups africaines de discuter avec chacun des opérateurs, car ils ne parlent pas toujours le même langage. On est sur une dialectique PME versus grands groupes [...] Nous voulons participer à l’innovation sur le continent en accompagnant une dynamique vertueuse qui facilitera notamment les levées de fonds », tient à préciser le CEO de Bizao.
Parallèlement, dans les sociétés faiblement bancarisées où le cash est traditionnellement détenu par une population largement masculine, le paiement mobile est aussi l’opportunité d’une indépendance à portée de mobile pour les femmes africaines, selon le fondateur. En effet, Aurélien Duval-Delort insiste sur la dimension « inclusive » proposée par la startup.
L’équipe qui compte actuellement une vingtaine de collaborateurs, surtout composée de talents africains, a récemment intégré un nouveau membre au sein du Comex, Natasha Dimban, directrice technique et responsable du pôle d’excellence basé à Dakar, à proximité des Centres de formation. La jeune associée franco-togolaise est elle-même diplômée de l’Ecole supérieure polytechnique de Dakar.
« J’ai été contactée par Aurélien sur Linkedin alors que je travaillais pour Tata Consultancy Services (TCS, filiale du leader indien Tata qui emploie près de 378 000 consultants, dans 45 pays à travers le monde et dispose de 88 centres de services, NDLR). J’avais envie de participer à cette nouvelle aventure en direction de l’Afrique et il était important pour moi, de prendre part à ce projet dans une logique gagnant-gagnant », précise-t-elle.
L’inclusivité est devenue le maître mot des entrepreneurs sur le continent, d’ailleurs, comme un clin d’œil à cette orientation, la soirée de lancement de cette ouverture vers les pays du Sud s’est tenue jeudi 3 octobre au sein de l’incubateur Afrique « Chez Ma Tante », hébergé par le Crédit Municipal, appelé jadis le « Mont de Piété », le temple parisien du prêt sur gage.
Marie-France Réveillard
(Source : La Tribune Afrique, 4 octobre 2019)