Après la flambée des prix de l’Internet mobile, les autorités béninoises ont décidé le 22 septembre de revenir sur la décision de taxer les services de communications électroniques. Une contribution qui pourrait être réintroduite sous une autre forme, préviennent certains spécialistes.
Soulagement chez les internautes béninois. Le 22 septembre, le gouvernement a décidé d’abroger la taxe sur les services de communications électroniques sur les réseaux. Alors que cet impôt était à l’origine d’une flambée des prix depuis le 19 septembre, les deux opérateurs de téléphonie mobile du pays – MTN et Moov – ont rétabli les anciens tarifs de connexion Internet dès le 23 septembre.
La décision d’abroger la contribution des usagers a été prise à l’issue d’une réunion du 22 septembre, regroupant autour du chef de l’État béninois Patrice Talon les membres du gouvernement, les opérateurs GSM et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep).
Ces derniers ont ainsi constaté que « les modalités de mise en œuvre dudit décret par les opérateurs (…) sont de nature à rompre l’économie globale du secteur, au détriment des consommateurs, en particulier les plus modestes ».
Le gouvernement a notamment critiqué « le renchérissement des tarifs », « les perturbations techniques », l’annulation des anciens forfaits de milliers de consommateurs par les opérateurs ou encore l’insuffisance d’informations sur les nouvelles offres des opérateurs. Une série de couacs ayant entraîné des « désagréments dans la consommation du service Internet ». Enfin, les autorités béninoises ont reconnu que la mesure était de nature à entraver « la démocratisation de l’Internet ».
Hausse du prix de l’accès à Internet
Depuis le 17 septembre, les internautes se sont vu imposer un système de tarification à double vitesse (avec ou sans accès aux réseaux sociaux) ayant renchéri les coûts des opérateurs : « La similitude entre les nouveaux tarifs présentés par les deux opérateurs laisse soupçonner une entente illicite », a même condamné le gouvernement dans son communiqué du 22 septembre.
En réaction, l’Association des blogueurs du Bénin a lancé une campagne intitulée #TaxePasMesMo, une pétition qui a été accompagnée d’une action de désabonnement de milliers d’internautes de toutes les pages du gouvernement et des ministères sur les réseaux sociaux. Le parti d’opposition Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE) a condamné le « musellement des populations » et appelé à l’annulation de la taxe controversée.
Le recul du gouvernement a ravi les membres de l’Association des blogueurs, qui estiment avoir mené une « campagne victorieuse ». Si de nombreux internautes ont retrouvé le sourire, d’autres expriment leur mécontentement sur les tendances liberticides du gouvernement et sa précipitation dans la prise de certaines décisions.
Ayant aujourd’hui « d’excellents experts au pouvoir qui prennent des années pour faire des études de faisabilité, qui mettent des milliards dans les études de faisabilité, je ne peux pas comprendre que l’on ait pris un décret qui n’a pas pu survivre un mois après », a notamment ironisé en conférence de presse Valentin Djènontin, député de l’opposition.
Le gouvernement n’abandonne pas l’idée d’augmenter les tarifs
Certains spécialistes préconisent néanmoins de ne pas se réjouir trop vite : « Certains termes du communiqué du gouvernement sont inquiétants et montrent qu’il n’a pas totalement abandonné l’idée d’augmenter les tarifs », souligne ainsi Laurent Ahogbè, entrepreneur dans le secteur des GSM. Cet homme d’affaires a notamment relevé dans le communiqué gouvernemental la volonté de « réduire la dégradation avérée du marché des communications électroniques », due à « l’évolution des technologies » et qui fait que « le système de tarification en vigueur n’est plus adapté ». Surtout, le gouvernement a mis en place un comité qui va travailler à « mettre en cohérence le système de tarification du secteur avec les nouveaux usages et technologies numériques » et « accroître la contribution du secteur du numérique à la croissance économique ».
Cette analyse semble corroborée par la note sur les prévisions de recettes fiscales des impôts pour 2019, obtenue auprès du ministère de l’Économie et des Finances et qui compte sur cette augmentation des tarifs de connexion Internet pour engranger des recettes de l’ordre de 90 milliards de francs CFA (137,2 millions d’euros) pour l’année prochaine. C’est sur cette base que le projet de budget 2019 a été conçu et il est déjà sur la table des députés.
Fiacre Vidjingninou
(Source : Jeune Afrique, 24 septembre 2018)