Bénin : Le code du numérique fait grincer des dents
mercredi 22 janvier 2020
Certaines dispositions de ce code sont jugées liberticides par Amnesty International en raison de nombreuses arrestations et poursuites menées contre des journalistes et des blogueurs.
Adoptée au Parlement en juin 2017, cette loi constituée de 662 articles est saluée par la majorité des Béninois comme l’instrument de la révolution numérique dans le pays. « Outre le fait que ça renforce la lutte contre la cybercriminalité, outre le fait que ça renforce la protection des données personnelles qu’on avait déjà avec la nouvelle autorité de protection des données personnelles, le code du numérique nous permet d’utiliser de nouveaux services, ce qui n’était pas possible avant », dit, par exemple, ce Béninois rencontré par notre correspondant à Cotonou
Sécurité
Serge Adjovi qui dirige l’agence du numérique relève toute la sécurité juridique qu’offre ce code aux communications électroniques et les implications pour le développement du secteur. Et aussi des règles qui imposent une certaine discipline aux activités sur les réseaux sociaux. C’est à ce niveau justement que s’expriment des craintes d’abus et d’autres dysfonctionnements.
Comme Amnesty International, qui parle de dispositions répressives mettant en péril la liberté d’expression et la liberté des médias, Ulvaeus Balogoun, membre du réseau des professionnels des médias digitaux du Bénin, se montre aussi inquiet. « Malheureusement avec ce code, on a mêlé les journalistes professionnels aux blogueurs et aux activistes, ce qui fait qu’aujourd’hui, quand un journaliste professionnel écrit quelque chose sur sa plateforme et publie sur internet, sur sa page Facebook ou bien sur Twitter, aussitôt on l’assimile à un activiste et on pense qu’il est entrain de vouloir porter un coup à la gestion du pays, alors que normalement ce qui devait être appliqué aux journalistes c’est plutôt le code de déontologie », estime-t-il.
Mauvaises interprétations
Le directeur du numérique voit plutôt le problème dans ce qu’il appelle les mauvaises interprétations de ce code.« Je ne pense pas que ce soit le code qui fait grincer les dents, ou en tout cas il ne faut pas que ce soit le code qui fasse grincer les dents. Le code il est là comme toute loi pour protéger le citoyen et pour organiser le secteur du numérique et pour permettre un développement harmonieux de ce que nous voulons faire », insiste Serge Adjovi.
L’union des professionnels des médias du Bénin envisage désormais des actions de sensibilisation et de plaidoyer pour éviter aux journalistes de tomber sous le coup de cette loi. Zakyath Latoundji est la présidente de cette organisation. « Parce que pour nous en tant qu’organisation syndicale, il serait plus judicieux, et d’ailleurs nous serons plus à l’aise à défendre les intérêts des nôtres qui se retrouveraient privés de leur liberté justement dans le cadre de cette loi-là, si l’acteur de média a respecté les dispositions de la loi », indique Zakyath Latoundji.
Au-delà des démarches des organisations syndicales des acteurs des médias, les imperfections du code du numérique devraient être aussi corrigées.
Rodrigue Guézodjè
(Source : Deutsche Welle, 22 janvier 2020)