Bataille autour de la validité de la licence de Tigo : Le contentieux Etat du Sénégal-Millicom vidé à Paris le 30 novembre
vendredi 25 novembre 2011
Après trois ans de procédure judiciaire, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) va ouvrir, le 30 novembre prochain à Paris, le procès entre l’Etat du Sénégal et Tigo, filiale de Millicom international cellular. Au terme de cette audience, l’avenir de Tigo au Sénégal sera connu.
Tigo joue son avenir au Sénégal. La validité de sa licence va se décidera Paris. Le jugement de fond du contentieux qui oppose la multinationale, Millicom international cellular, maison-mère de Tigo-Sénégal, à l’Etat du Sénégal, démarre le 30 novembre prochain. L’affaire sera vidée au terme de l’audience convoquée par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). La juridiction basée à Washington a délocalisée l’audience à Paris, à la
Chambre internationale d’arbitrage de Paris. Elle est installée sur un batiment qui trône sur la grande avenue Kléber, à côté de la place mythique du Trocadéro. C’est parti pour un marathon judiciaire d’une dizaine de jours entre les eux parties.
Le jugement de fond porte dur l’audience des deux parties et la présentation des arguments par les conseils. L’Etat du Sénégal qui réclame 100 milliards de francs Cfa à Tigo pour l’exploitation de sa licence de téléphonie, sera représenté par l’agent judiciaire, le cabinet François Sarr et associés, le cabinet Rémy Fermier et le professeur Michel de Guillenchmidt, avocat au barreau de Paris et Doyen honoraire de l’Université Paris Descartes (Ndlr : modérateur du séminaire sur la validé de la candidature de M° Wade à l’élection présidentielle de 2012). Des personnalité informées du dossier rapportent que M. de Guillenchmidt a profité de son séjour dakarois pour rencontrer des autorités sénégalaises concernées par le dossier « pour mieux préparer la défense du Sénégal à l’audience du 30 novembre prochain ».
Thierno Ousmane Sy aux côtés des conseillers de l’Etat
Ce ne sont pas les seuls conseillers juridiques qui sont convoqués pour être entendus par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Le Ministre de la Communication des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication, Moustapha Guirassy, y est annoncé. Mais jusqu’à hier 22 heures, il confiait n’avoir pas encore reçu de convocation pour l’audience du 30 novembre prochain. Il a aussi engagé le Directeur Général de l’Agence de Régulation des Télécommunications Publiques (Artp), M. Ndongo Diaw, qui n’a pas non plus reçu de convocation dans ce sens. Seulement des investigations menées par l’Observateur, il ressort que l’Etat du Sénégal sera représenté par l’agent judiciaire de l’Etat.
Témoin
Si la présence du ministre de tutelle devant le Cirdi n’est pas confirmée, celle du conseiller du Chef de l’Etat en techniques de l’information et de la communication (Tic), Thierno Ousmane Sy est confirmée. Ce dernier, confient ses proches, sera entendu à titre de témoin. Les mêmes sources ajoutent que que M. Sy va quitter Washington en début de semaine pour se rendre à Paris.
La partie sénégalaise fera face à Me Boucounta Diallo et le cabinet anglo-américain (Allen & Overy) qui défendent les intérêts de la multinationale Millicom international cellular. L’avocat sénégalais s’est envolé hier, pour la capitale française, pour harmoniser ses positions avec celles du cabinet anglo-américain. Déjà, le décor est campé, car Millicomcampe toujours sur sa position en convoquant l’appel d’offres de 1998 de l’Etat du Sénégal qui lui a attribué la licence pour justifier la validité de sa licence.
D’anciens ministres socialistes déjà entendus
Compte tenu des nombreuses conclusions déposées par chacune des parties et les auditions de plusieurs témoins, le procès risque de tirer en longueur. Depuis la saisine du Cirdi, les conseillers des deux parties ont été appelés à déposer leurs conclusions. Il s’y ajoute que toutes les personnalités qui sont intervenues dans la procédure d’attribution de la licence de téléphonie à Tigo ont été saisies par le Cirdi pour recueillir leurs témoignages. C’est dans ce cadre que d’anciens ministre de la Communication sous le régime de l’ex-Président Abdou Diouf et ceux du régime libéral en cours ont été entendus à tire de témoins.
Histoire
Le contentieux entre Millicom et l’Etat du Sénégal est parti de l’alternance politique. Après son accession au pouvoir, le pouvoir libéral a jugé que « Sentel (devenue Tigo) a obtenu sa licence en juillet 1988 dans des conditions illégales ». Pour la partie gouvernementale, « l’attribution de licences donnait lieu au versement des droits de tickets d’entrée et les versements étaient fixés selon les règles internationales ». Après avoir mené des enquêtes sur l’attribution de la licence, l’Etat a envoyé une facture de 100 milliards de francs Cfa à payer pour continuer à exploiter sa licence. Une offre que rejette la multinationale. Celle-ci déclare avoir acquis sa licence légalement pour une durée de 20 ans (Ndlr : 1998-2018), à la suite d’un appel d’offres.
Le contentieux a connu plusieurs rebondissements entre le Tribunal régional hors classe de Dakar et le Cirdi. Le 10 décembre 2009, le Tribunal arbitral international de Paris avait rendu une décision recommandant à Dakar de suspendre les poursuites déclenchées contre Sentel. Le Sénégal, qui est signataire de la Convention de Washington, a accepté la recommandation de cette juridiction de la Banque mondiale. Du coup, le Tribunal civil et commercial de Dakar qui devait rendre une décision le 23 décembre 2009 dans cette affaire était obligé de renvoyer sine die son verdict.
Mamadou Seck
(Source : L’Observateur, 25 novembre 2011)