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BCEAO vs Orange : Lost in Fintech !

mercredi 15 mars 2017

L’interdiction par la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) du service Orange Money, permettant notamment, les transferts d’argent entre les pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et l’étranger (en l’occurrence la France), proposé par les sociétés Orange Finances Mobiles Mali, d’Orange Money Côte d’Ivoire et d’Orange Finances Mobiles Sénégal, interroge à plus d’un titre.

Il faut se garder de tirer des conclusions hâtives de la décision de la BCEAO en reprochant au régulateur des activités monétaires et financières de l’espace UEMOA de vouloir bloquer le développement des innovations technologiques dans les domaines financier et bancaire. En effet, cette décision d’interdiction des transferts d’argent entre la Zone UEMOA et la France, via le service Orange Money proposé par les établissements de monnaie électronique Orange au Mali, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, peut, à tort, être interprétée comme étant une volonté du régulateur, sous la pression des banques, de brider les acteurs de la Fintech dans cette région du continent africain. En réalité, il n’en est rien !

Ne pas voir derrière la « décision Orange Money » la main invisible des banques !

Pour comprendre la décision de la BCEAO, il importe de l’analyser sous deux angles au regard du cadre réglementaire en la matière.

D’abord, il faut noter que les opérations de changes et de mouvements de capitaux doivent être exercées par des personnes habilitées au titre du règlement n°09/2010/CM/UEMOA relatif aux relations financières extérieures des Etats membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). En effet, l’article 2 du Règlement n°09/2010/CM/UEMOA dispose que seuls la BCEAO, l’administration ou l’Office des Postes, un intermédiaire agréé ou encore un agréé de change manuel peuvent réaliser des « opérations de change, mouvements de capitaux (émission de transferts et/ou réception de fonds) et règlements de toute nature entre un Etat membre de l’UEMOA et l’étranger (...) ».

Dès lors, ne figurent pas dans cette liste limitative d’acteurs pouvant effectuer des transferts d’argent entre le territoire de l’UEMOA et un territoire étranger (dans le cas présent la France), les établissements de monnaies électroniques tels que définis par l’instruction n°008-2015 régissant les conditions et modalités d’exercice des activités des émetteurs de monnaie électronique dans les Etats membres de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA).

Or, au regard de l’instruction précitée, les sociétés du groupe Orange au Mali (Orange Finances Mobiles Mali), en Côte d’Ivoire (Orange Money Côte d’Ivoire) et au Sénégal (Orange Finances Mobiles Sénégal) sont des établissements de monnaie électronique c’est-à-dire des personnes morales autres que « (...) les banques, les établissements financiers de paiement et les systèmes financiers décentralisés » habilitées à émettre des moyens de paiement sous forme de monnaie électronique. A ce titre, leurs activités sont limitées à « (...) l’émission de monnaie électronique [et à la] distribution de monnaie électronique ».

Cependant, les services proposés par le Groupe Orange par l’intermédiaire d’Orange Money concernent notamment les opérations de transfert d’argent avec l’étranger que ce soit dans le sens des émissions (transferts de l’espace UEMOA vers la France) que dans le sens, moins problématique, des réceptions (transferts de la France vers l’espace UEMOA).

Aussi, il apparaît donc que les sociétés du Groupe Orange au Mali, en Côte d’Ivoire et au Sénégal ont méconnu leurs obligations réglementaires, en leur qualité d’établissements de monnaie électronique, en proposant des services non autorisés dans le cadre de l’agrément que leur a accordée la BCEAO. En effet, en proposant les services de transfert d’argent vers l’étranger (alors que seuls sont autorisés notamment, les services de transfert sur le territoire de l’UEMOA), ces sociétés ont contrevenu à l’article 6 de l’Instruction n°008-05-2015 régissant les conditions et modalités d’exercice des activités des émetteurs de monnaie électronique dans les Etats membres de l’UMOA qui leur prescrit de se conformer aux dispositions de la réglementation des relations financières extérieures des Etats membres de l’UEMOA notamment, l’interdiction d’effectuer des « opérations de change, mouvements de capitaux (émission de transferts et/ou réception de fonds) et règlements de toute nature entre un Etat membre de l’UEMOA et l’étranger (...) ».

Le second angle sous lequel peut être appréhendée la décision de la BCEAO concerne la qualité de sous-agent reconnue par l’Instruction n°013-11-2015 relative aux modalités d’exercice de l’activité de transfert rapide d’argent en qualité de sous-agent au sein de l’UMOA à certains acteurs du marché qui, à ce titre, peuvent opérer des transferts d’argent. Or, au regard des agréments délivrés par la BCEAO aux sociétés proposant les services Orange Money au Mali, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, celles-ci n’ont pas la qualité de sous-agent qui leur aurait normalement permis d’effectuer des opérations mentionnées à l’article 2 du règlement n°09/2010/CM/UEMOA relatif aux relations financières extérieures des Etats membres de l’UEMOA. Dans la mesure où les sociétés concernées du groupe Orange, en leur qualité d’établissements de monnaie électronique, sont soumises dans leurs activités au contrôle direct de la BCEAO, elles sont ainsi des entités autonomes et ne sauraient donc être regardées comme étant des sous-agents.

Au final, même si le groupe Orange peut recourir à une autre approche pour sortir de cette impasse (création de banques en ligne dans les pays concernés par exemple), la décision rendue par la BCEAO ne semble souffrir d’aucune contestation sur le strict plan juridique.

Néanmoins bien qu’elle soit du point de vue juridique fondée, cette interdiction interroge à plusieurs égards notamment, quant à la capacité du régulateur de l’UEMOA à s’adapter à la révolution technologique que vit le continent.

La « décision Orange Money », un révélateur du retard de la BCEAO face à la poussée des services financiers numériques

La décision de la BCEAO relative aux activités de transferts d’argent entre l’espace UEMOA et les pays étrangers (la France en l’espèce) est révélatrice de la difficulté qu’elle éprouve à faire face à la vitesse des transformations induites par les TIC sur les activités bancaires et financières.

En effet, l’émergence des Fintech bouscule l’écosystème financier et bancaire aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. À ce propos, il convient de noter qu’en Afrique, les Fintech réussissent là où les banques n’ont pas réussi à instaurer une relation de confiance avec les populations. Ces nouveaux acteurs de la finance et de la banque concourent incontestablement aujourd’hui à l’inclusion financière dans l’espace UEMOA où, selon la BCEAO, le taux de bancarisation s’élevait à 14,83% en 2014.

Dès lors, il est important que très rapidement la BCEAO s’adapte au rythme imposé par les TIC aux activités bancaires et financières de manière, d’une part, à ne pas se laisser submerger par la vitesse et les flots des innovations technologiques et, d’autre part, à favoriser l’éclosion d’un environnement économique favorable. Cela suppose de la part de la BCEAO un changement de paradigme dans son approche régulatrice.

A ce propos, un partage d’expérience avec les régulateurs des pays anglophones du continent peut être utile. Le dynamisme observé par exemple au Kenya (38,5 millions de clients qui utilisent les SFN pour transférer des fonds depuis leur mobile vers leur compte bancaire) dans le domaine des Fintech résulte d’ailleurs de ce changement d’approche du régulateur dont Mohamed Nyaoga, Président de la Banque centrale du Kenya (CBK), fait l’éloge. Il reconnaît le rôle important joué par le régulateur dans cette évolution. Les autorités de l’UEMOA et la BCEAO devraient alors s’en inspirer si elles souhaitent favoriser par ailleurs, une réelle émergence des jeunes Fintech africaines, à l’image notamment d’Ethicphone en Côte d’Ivoire, dont les propositions de valeur répondent aux besoins des populations locales.

Attention au retour de manivelle pour les Etats de l’UEMOA !

Les services financiers numériques (Mobile Banking/Mobile Money) connaissent un franc succès sur le continent africain avec 134 millions de comptes Mobile money actifs en 2015 selon l’association des opérateurs téléphoniques (GSMA). Par ailleurs, les SFN constituent un levier de croissance et d’inclusion financière en Afrique en raison de l’adoption fulgurante et massive dont ils font l’objet.

A ce propos, l’on note que ces services d’un genre nouveau contribuent de manière importante à l’économie réelle des pays africains notamment avec le décloisonnement qu’ils favorisent dans le cadre des relations entre le continent et à sa diaspora. En effet, le développement des SFN permet plus facilement à la diaspora africaine d’effectuer des transferts d’argent rapides, à moindre coût et à tout moment vers le continent africain.

Cette opportunité a été bien perçue par le Groupe Orange qui, après avoir développé son service Orange Money en Afrique de l’Ouest, a répliqué le même service en France en visant notamment cette diaspora qui par ses transferts d’argent contribue à l’économie réelle de leurs pays d’origine. En effet, selon la Banque mondiale, près de 120 millions d’africains ont reçu 60 milliards USD envoyés par 30 millions d’africains de la diaspora en 2014.

Si on met en perspective les montants transférés par la diaspora avec l’aide publique au développement (56 milliards de dollars) et les investissements directs étrangers (50 milliards de dollars) pour la même année (selon la Banque Mondiale), l’on réalise l’importance de ces transferts d’argent de la diaspora pour les économies africaines et plus spécifiquement pour un pays comme le Mali.

Or en interdisant les services de transfert d’argent proposés par Orange Money entre la zone UEMOA et l’étranger, la BCEAO interdit par ricochet la possibilité pour les bénéficiaires des services Orange Money en France d’effectuer des transferts de la France vers la zone UEMOA. C’est donc d’une manne financière importante que la BCEAO pourrait priver les populations locales.

Aussi, afin d’éviter un retour de manivelle dû aux conséquences fâcheuses de ces mesures pour leurs économies, le Conseil des ministres de l’UMOA devrait réfléchir en profondeur aux aménagements à apporter d’une part dans l’activité du régulateur et, d’autre part, au cadre réglementaire applicable aux domaines financiers et monétaires. Donner les coudées franches à la BCEAO pour faire évoluer les activités financières et monétaires et les adapter aux innovations technologiques serait profitable à la vitalité économique de l’espace UEMOA.

Fortuné B. Ahoulouma & Fabien Lawson, Avocats au barreau de Paris

(Source : La Tribune Afrique, 15 mars 2017)

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