Avis d’experts : « Wade a délivré une licence déguisée »
samedi 7 avril 2012
Saisis par nos soins pour un éclairage sur la convention de concession passée entre l’Etat du Sénégal et Mtl infrastructures et Services S.A, les experts en télécommunications ont rejeté l’appellation de licence de téléphonie, mais soutiennent que, dans la pratique, c’est « une licence qui n’est pas globale ».
Hier, après la publication par L’Observateur de l’article sur le décret signé par Me Abdoulaye Wade, portant approbation de la convention de concession passée entre l’Etat du Sénégal et Mtl Infrastructures et services S.A, des voix, et pas des moindres, se sont élevées pour apporter des précisions sur ce qui est considéré comme « la 4e licence des télécommunications », mais qui, dans le jargon du nouveau Code des télécommunications qui a été voté le 24 février 2011, est appelé « un régime d’autorisation d’opérateurs d’infrastructures ».
M. Faye, responsable de Wireless Sénégal, confirme que ce qui a été signé est « une autorisation d’opérateur d’exploitations d’infrastructures ». Elle permet à un opérateur privé d’un autre type, différent de Expresso, Tigo etc., d’installer des infrastructures de télécommunications sur le sol sénégalais. C’est le nouveau Code des télécommunications qui a introduit ce nouveau régime. Avant, renseigne-t-il, « il n’y avait que le régime des déclarations et celui des licences ». Et pour cette troisième voie plus simple, l’opérateur fait simplement une demande.
Achime Malick Ndiaye, ingénieur de Télécom, spécialisé dans la transmission des données et dans les infrastructures des télécommunications, émet sur la même longueur d’onde que M. Faye. « La licence est, aux yeux de la loi, une autorisation certes, mais qui permet à un opérateur d’exploiter et de fournir des services au public, tels que la téléphonie : la voix, les données, le fax etc. Dans ce cas précis, c’est un opérateur d’infrastructures qui formule une demande d’autorisation qui ne nécessite pas un appel d’offres. » Par contre, M. Ndiaye soupçonne que l’Etat du Sénégal ait octroyé des fréquences derrière cette autorisation : « Ce qui serait très grave, soutient-il, car les fréquences constituent une ressource rare et importante. »
Contrairement à nos deux interlocuteurs, un agent d’un des opérateurs de téléphonie du Sénégal, tenu par le devoir de réserve, confie que « c’est pour contourner les restrictions de la convention de cession de la troisième licence de téléphonie à Sudatel (qui interdit la vente d’une autre licence de téléphonie dans les cinq prochaines années, extensible encore sur 5 autres années) que l’article 32 de la loi 2011-01 du 24 février 2011, portant Code des télécommunications, a été instauré ». Cet article « a introduit une innovation majeure, consistant à instituer un nouveau régime juridique des activités de télécommunications à travers l’autorisation d’opération d’infrastructures ». Et ce nouveau régime vise « à favoriser l’amélioration de la compétitivité des entreprises, l’aménagement du territoire, la facilitation du développement d’infrastructures transfrontalières, l’augmentation de l’offre de capacité et la connectivité locale, régionale et internationale ». Et pour conclure, il déclare que c’est « une quatrième licence déguisée ».
Latir Mané
(Source : L’Observateur, 7 avril 2012)