Ceux qui avaient prédit une tension extrême n’ont pas eu tort. Les avocats des deux parties ont régalé le nombreux public qui a assailli, dès les coups de 9 H, la salle du Tribunal de grande correctionnelle de Dakar par des attaques acerbes. Le nouveau bâtonnier, Me Alioune Badara Fall, a dû jouer aux sapeurs pompiers pour apaiser les parties et permettre un bon déroulement du procès. N’empêche, il y a eu des suspensions d’audience demandées l’une par le bâtonnier, l’autre par le président lui-même, avant que le procès ne puisse réellement démarrer après les appels du parquet pour plus de retenue et de respect. Dès l’entame du procès, les avocats d’Abdoul Latif Coulibaly ont soulevé des exceptions pour déclarer nulle la citation directe servie à leur client pour diffamation. C’est Me William Bourdon du barreau de Paris qui a ouvert le feu. L’avocat a élu domicile à l’étude de Me Aly Fall, par ailleurs tête de file des conseils du journaliste, à côté de Mes Ndèye Fatou Touré et Djiby Diallo et Mame Adama Guèye. Me Ciré Clédor Ly va enfourcher la même trompette en faisant référence aux articles 624 du Code pénal, et 260 alinéa 1 qui parlent plutôt de diffamation à l’endroit des hommes publics. Or, pour l’avocat, « Thierno O. Sy n’est pas un homme public, il n’est ni ministre, ni député ». Tous ces arguments sont balayés du revers de la main par les avocats de la partie civile, Mes François Sarr et El Hadji Diouf. Le Tribunal a finalement décidé de joindre au fond les exceptions permettant ainsi le procès de se tenir finalement.
Le Palais de justice de Dakar a refusé du monde, hier, au procès en diffamation qui oppose le journaliste Abdoul Latif Coulibaly au conseiller spécial du président de la République pour les Tics, Thierno Ousmane Sy. Presque tous les hommes politiques ont répondu présents. De Moustapha Niasse à Abdoulaye Bathily en passant par Jean-Paul Dias, Mamadou Lamine Diallo, Yéro Deh, Mbaye Ndiaye, Maky Sall, etc. Du côté de la société civile, on a noté la présence de Malick Ndiaye du Cercle des intellectuels, Bara Tall, Abdoul Aziz Tall, tous venus manifester leur soutien à Abdoul Latif Coulibaly. Pour Moustapha Niasse, il s’agit d’un soutien dans la lutte contre la « mal gouvernance ». Il a demandé que les Sénégalais préservent leurs valeurs en refusant de verser dans les mauvaises habitudes comme la corruption, qui ne font que gangrener le pays. Pour sa part, Malick Ndiaye a appelé à un soutien sans faille à Latif, tout en exhortant le président de la République à ne jamais emprisonner le journaliste, car un tel acte peut avoir des conséquences « fâcheuses à l’approche des élections de 2012 ». Pour Abdoulaye Bathily, « la mauvaise gouvernance du régime libéral va avoir des conséquences terribles pour le pays. Il dit être « choqué par tant de révélations qui renseignent sur l’état de corruption avancée dans ce pays ».
Yathé N. Ndoye et Souleymane Diam Sy
(Source : Le Soleil, 15 septembre 2010)