Le Sénégal jouit d’une grande variété
d’acteurs au sein de son écosystème de
services financiers digitaux. Étant le siège de la
BCEAO (Banque Centrale des États de l’Afrique
de l’Ouest), qui régule les affaires régionales et
celui de nombreux intervenants des États de
l’Afrique de l’Ouest, le Sénégal est devenu le
point d’entrée de nombreux fournisseurs de
services financiers digitaux dans la région.
Les banques, les opérateurs de téléphonie
mobile, les spécialistes en transfert de
fonds, les institutions de microfinance et
les émetteurs de monnaie électronique ont
tous lancé leurs offres sur le marché selon
des modèles distincts. Les partenariats qu’ils
établissent et les produits qu’ils offrent
sont parfois complémentaires, mais restent
majoritairement concurrentiels. Alors que
la BCEAO autorise de nombreux acteurs
à émettre de la monnaie électronique, la
dynamique du marché actuel n’a pas encore
permis le développement de modèles à grande échelle. Dans la région, les opérateurs
de téléphonie mobile ont d’emblée décidé de
collaborer avec les banques pour le lancement
et l’obtention des licences de leurs offres
d’argent mobile, mais doivent rapidement
faire face à des défis, notamment des limites
en termes de flexibilité.
La majorité des banques joue cependant
toujours un rôle passif dans la promotion des
services financiers digitaux au grand public.
En effet, son expérience reste très limitée en
ce qui concerne les ménages à faibles revenus
et provenant des zones rurales. Enfin, notons
que les institutions de microfinance et autres
émetteurs de monnaie électronique n’ont
généralement pas les ressources et capacités
technologiques nécessaires au lancement de
leur propre produit financier digital.
Quelques initiatives visant à élargir l’horizon
et l’accès au pays pour ces acteurs sont
actuellement en cours de développement.
Principales constatations
- Politique et régulation
La BCEAO permet à un large éventail de
fournisseurs (dont des banques, institutions
de microfinance, opérateurs de téléphonie
mobile et autres fournisseurs de services)
d’offrir des services financiers digitaux. Lors
d’une demande d’ouverture d’un compte
de services financiers digitaux, le régulateur
des télécommunications exige à présent
l’enregistrement de la carte SIM ainsi que
d’autres informations, comme l’adresse
physique et la profession de la personne
concernée. Bien que la BCEAO passe les
contrats de service entre fournisseurs
et agents en revue, il n’y a actuellement
aucune politique de régulation des agents
bancaires en place. Malgré l’existence d’un
intermédiaire régional (le GIM-UEMOA,
Groupement Interbancaire Monétique de
l’Union Économique et Monétaire OuestAfricaine),
les discussions sur l’interopérabilité
entre opérateurs de réseaux mobiles n’en sont
qu’à leurs prémisses.
- Infrastructure de distribution
Le Sénégal bénéficie d’une bonne
infrastructure de télécommunications par
rapport à d’autres pays similaires. Et bien que
l’économie du pays ait beaucoup souffert
de son réseau électrique défaillant jusqu’en
2012, cette crise énergétique semble résolue
dans les grandes villes. La Banque Mondiale
rapporte que 56,5 % de la population actuelle
jouit d’un accès à l’électricité.
- Fournisseurs
De nombreux programmes pilotes sont
introduits au Sénégal, qui sert d’incubateur à
toute une variété de fournisseurs de services
financiers digitaux. Orange est le principal
acteur en termes de services financiers digitaux
dans la zone UEMOA (Union Économique et
Monétaire Ouest Africaine) et travaille depuis
2010 en association avec la BICIS (Banque
Internationale pour le Commerce et l’Industrie
du Sénégal), une filiale de BNP Paribas.
Millicom-Tigo a obtenu sa licence d’émetteur
de monnaie électronique en décembre
2013 grâce à sa filiale Mobile Cash SA et
s’est associée à la Banque Atlantique pour la
gestion de son compte en fiducie. Yoban’tel
est une offre de services financiers digitaux
de la Société Générale, qui utilise son propre
réseau de succursales ainsi que les services de
l’institution de microfinance du CMS (Crédit
Mutuel du Sénégal). Ferlo est la première
entreprise technologique non-bancaire à
s’être vue remettre une licence d’émetteur
de monnaie électronique par la BCEAO. Plus
récemment, CSI-W@ri et Joni Joni, deux
entreprises de transfert de fonds, sont passées
à des opérations via SMS. Malgré ces efforts, la
dynamique du marché n’a pas encore permis
le développement de modèles à plus grande
échelle.
- Réseaux d’agents
Les réseaux de distribution à l’extérieur de
Dakar ne sont pas bien développés et les
partenariats viables restent des cas isolés.
Les services de paiement électroniques (via
cartes bancaires) sont assez faibles et rares
sont les clients ou marchands qui acceptent
les services financiers digitaux à l’heure
actuelle. Cependant, les réseaux fournis par
les institutions de microfinance comme ACEP,
CMS et PAMECAS, ainsi que ceux des services
postaux et entreprises de transfert de fonds,
pourraient représenter une opportunité
d’amélioration en termes d’inclusion
financière. Au vu de leur forte présence au
sein des communautés sénégalaises, ils
pourraient proposer une offre de services
financiers digitaux. De fait, les succursales
des institutions de microfinance représentent
75 % de tous les points de services des
fournisseurs disponibles au Sénégal.
- Paiements & transferts
Les offres actuelles sont dominées par
les transferts de fonds, le paiement des
factures et les recharges mobiles. Mais ces
dernières ne répondent pas aux besoins de
mobilisation de l’épargne, de décaissement
et de recouvrement de prêts, et de services
à valeur ajoutée pour les clients. De grands
flux de transferts de fonds existent entre le
Mali, le Sénégal, le Togo, les États-Unis et
l’Europe, représentant 10 à 12 % du PIB. En
termes de transferts nationaux, le marché
local a vu l’arrivée de nouveaux acteurs,
comme CSI-W@ri et Joni Joni. Ces entreprises
gèrent des volumes de transactions de plus
en plus importants et font concurrence aux
grands fournisseurs de services de transferts
de fonds, comme Western Union ou encore
MoneyGram.
- Clients
Au Sénégal, 67 % de la population perçoit
des faibles revenus (moins de 50.000 FCFA
de revenu mensuel par ménage, soit 76 EUR)
et plus de 52 % de la population vit dans
des zones rurales. Cette population à faibles
revenus, qu’elle soit urbaine ou rurale, n’est
pas bien prise en compte par les institutions
financières et ce malgré le fait qu’elle
représente plus d’un quart du PIB (27 % selon
les estimations du CGAP). Les banques n’ont
pas encore réussi à développer des stratégies
favorables à l’adoption de ces services, tandis
que les institutions de microfinance se limitent
de plus en plus à travailler dans leurs segments
de marché traditionnels. Néanmoins,
d’importants pans de la population n’ont à
ce jour pas encore été pris en compte, que
ce soit par les banques ou les institutions de
microfinance, et ce sont ces personnes-là qui
font l’objet de toute l’attention des opérateurs
de téléphonie mobile et de fournisseurs de
services comme CSI-W@ri.
(Source : Fonds d’équipement des Nations unies, 21 juillet 2015)