Amadou Top, Directeur du Comité de pilotage de la transition de l’analogie vers le numérique – « Nous allons passer au numérique, mais nous n’avons que 5 000 décodeurs »
mercredi 17 juin 2015
Amadou Top, Directeur du Comité de pilotage de la transition de l’analogie vers le numérique a déclaré ce matin dans l’Observateur que : « nous allons passer au numérique, mais nous n’avons que 5 000 décodeurs ».
Est-ce que le Sénégal est fin prêt pour le passage de l’analogie au numérique ?
Ouais, le Sénégal est prêt. Nous avons aujourd’hui la chance de faire partie des rares pays africains qui vont pouvoir respecter les engagements pris à l’occasion du GE06 à Genève (Suisse). Et dans ce sens, nous pouvons dire que parmi les pays francophones, nous sommes le seul à le faire. Et parmi les 54 pays africains, nous serons une dizaine de pays, y compris les pays du Maghreb, à pouvoir effectuer ce passage de l’analogie au numérique. Dès ce soir (l’entretien s’est déroulé hier, Ndlr :) le signal sera disponible pour au moins 60 à 70% de la population sénégalaise. Et les jours qui suivent permettront de compléter dans d’autres régions, dans d’autres zones.
Que dites-vous aux Sénégalais qui s’inquiètent par rapport à la disponibilité des décodeurs ?
C’est une obligation d’avoir les décodeurs, parce que tant que nous n’avons pas de décodeurs, on va continuer à utiliser le téléviseur analogique. Donc, cela veut dire que pendant tout une période, il y aura des gens qui auront des décodeurs qui seront en numérique, d’autres qui n’auront pas de décodeurs qui seront en analogie. Parce qu’on va combiner les deux systèmes pendant tout une période. Les décodeurs, il en faudra à peu près 1 200 000 et ils vont être déployés progressivement. Et c’est Excaf qui est notre partenaire qui en a la charge et qui va communiquer assez rapidement sur cette question pour donner les éléments concernant la disponibilité de ces décodeurs-là. Pour le moment, nous avons environ 5 000 décodeurs que nous distribuons à des testeurs à travers cinq régions pour pouvoir avoir un retour sur la fiabilité du signal et la capacité du décodeur en attendant que le décodeur soit disponible en grande partie. Dans les Rédactions également, nous avons envoyé un certain nombre de décodeurs pour dire qu’il y a des gens qui sont déjà connectés.
C’est peu les 5 000 décodeurs, est-ce que ça ne risque pas de gâter le passage ?
Comme ça s’est passé un peu partout dans le monde, ça a été progressif. On aurait même pu dire, on va passer région par région. Je dois rappeler que des pays comme la France ont mis quasiment deux ans à basculer progressivement, région par région, département par département et ils ont eu deux ans pour préparer ce passage-là. Nous, c’est en dix-huit mois et sur ces 18 mois, il faut enlever les huit mois qui ont servi à lancer les appels d’offres, à dépouiller et tout. Donc en une dizaine de mois, nous sommes arrivés à un résultat qui semble extrêmement encourageant. Et donc nous pouvons dire que l’opération se fera à partir de maintenant. En plus, nous avons non seulement besoin de le faire progressivement, parce que les décodeurs ne sont pas seulement des décodeurs pour regarder la télé. Ce sont des décodeurs qui permettent d’avoir une télévision interactive. Au fur et à mesure, nous allons ajouter des services à valeur ajoutée et au fur et à mesure les gens auront accès à des services interactifs.
Combien faut-il débourser pour se procurer un décodeur ?
Il y aura 400 000 décodeurs qui seront disponibles avant la fin du mois, ils vont coûter 10 000 FCfa. Je rappelle que sur le marché actuellement à Sandaga, il y a des gens qui ont fait venir des décodeurs numériques et qui les vendent à 45 000 FCfa. Dans certains marchés de l’intérieur du pays, on les vend à 50 000 FCfa et ces décodeurs n’ont même pas la moitié des fonctionnalités qu’il y a sur le décodeur que nous mettons à disposition. Car nos décodeurs intègrent les fonctions d’interactivité, de guide électronique des programmes, d’archivages…
Chez les populations, il y a un flou par rapport à ce passage de l’analogie au numérique, qu’est-ce qui explique le manque d’informations ?
C’est un phénomène qui n’est pas proprement sénégalais. Je donne tout juste l’exemple de la France, dans ce pays, il a fallu 100 000 exemplaires pour faire le tour des foyers de la France pour expliquer aux gens de quoi il s’agissait. Au Sénégal, nous n’avons pu avoir ce dispositif en place, mais c’est une entreprise de très grande envergure, puisqu’elle concerne tout le monde. Ensuite, les concepts ne sont pas simples, ce sont des concepts qui ont une certaine technologie. Et puis les gens regardent la télévision, mais savent si c’est la télévision analogique ou pas. Ensuite, il y a des rumeurs sur le fait qu’il faut changer de téléviseur etc. Nous avons essayé de communiquer, mais nous n’avons pas suffisamment communiqué, je l’avoue. Mais nous avons essayé de sortir dans les médias, de faire des communiqués, mais ce n’est pas suffisant. C’est une opération qui aurait dû se faire avec beaucoup plus d’agressivité, mais certainement dans les jours à venir, va se faire avec cette agressivité-là.
M. T. Gaye
(Source : L’Observateur, 17 juin 2015)