Le téléphone est un moyen de communication moderne. Il permet de communiquer sans se déplacer. Avec l’essor de la technologie, il est devenu un moyen incontournable. Le téléphone est passé du fixe (bureau, maison) au mobile. On peut se joindre à tout moment et partout. Au Sénégal, les gens ont adopté cet appareil par nécessité pour certains, alors que pour d’autres c’est un luxe et un moyen de frime. D’ailleurs, il y a différentes sortes de réponses quand on décroche. La plus adoptée par le commun des Sénégalais est « Allo, oui ! »
En ce début de ramadan, mois béni chez les musulmans, nous empruntons la route qui mène vers le marché Tilène, sur la rue 22 prolongée. Certains passants vaquent à leurs préoccupations, d’autres bien assis sur leurs chaises devant leurs magasins scrutent le déplacement des clients qui rôdent dans les parages. Les téléphones portables meublent beaucoup d’étals. Pour tous les goûts et toutes les couleurs. On peut faire son choix. Les branchés de la nouvelle génération aux hi-tech sont nombreux et ont leur façon de répondre au téléphone. Mor, commerçant de son état, déclare : « Le téléphone définit la personnalité, je n’ai pas fait les bancs, mais je sais répondre au téléphone ». Comment doit-on répondre au téléphone ? Mor bondit sur sa chaise et répond : « C’est simple, ‘allo oui’, mais s’il s’agit de ma bien aimée, c’est autre chose. Je change complètement ma voix, avec une voix douce et agréable, je dis : « Allo ma puce, naka-la ». Pour son voisin Diop, Mor est un tricheur : « Ce n’est pas sérieux, il faut rester toujours naturel. Je n’ai pas besoin de changer ma voix pour répondre à ma femme ou à une autre personne. D’ailleurs, appelle-moi, tu verras comment je réponds au téléphone, c’est tellement simple, je dis tout bonnement ‘Allo’ ou ‘Waaw’ ».
Idem chez les mécaniciens, la réponse au téléphone ne doit pas être artificielle. Vieux, mécanicien à la rue 15, ne se pose pas de question, il confesse : « Je ne cherche pas midi à 14h. Quand mon téléphone sonne, je décroche par un ‘Allo’ sans me poser de question ». Le secteur informel répond par l’informel. Ici, on fait fi des théories communicationnelles. Le téléphone est perçu différemment. Si les commerçants sont simples, les intellectuels en font une marque de personnalité.
Le téléphone chez les intellectuels
On entend par là ceux qui sont dans les services, assurant certaines fonctions et confortablement installés dans les bureaux. Dans ce milieu, le téléphone occupe une place importante. M. Sow, expert-comptable dans une société de la place, bien emmitouflé dans son costume noir à rayures blanches, affirme que « le portable est un moyen de communication efficace et indispensable dans le travail de tous les jours ». Son image reflète sa fonction. Bien assis dans son bureau situé au 2e étage de l’immeuble, il a trois portables, 2 hauts de gamme et un simple. Il nous explique : « Les 2 portables m’appartiennent, je les ai achetés, mais le simple nous est offert par l’entreprise pour la communication interne ». Sa façon de répondre au téléphone lui est propre. L’expert-comptable déclare : « J’ai l’habitude de dire avec une voix rassurante : ‘Oui, bonjour, à qui ai-je l’honneur ?’ Car, il faut savoir soigner sa marque, nous sommes au Sénégal. S’il s’agit maintenant du téléphone au service, la communication entre collègues, là c’est la familiarité. Je dis directement : « Waaw », « Mon ami » ou « Sokhna si ».
Mme Niang, responsable commerciale d’une grande société, souligne que « la communication au téléphone impose à la personne une maîtrise de certaines notions. Répondre au téléphone respecte certaines normes, en service on répond par le nom de la société, plus le département où l’on se trouve, plus le nom ». Mme Niang d’ajouter : « Le professionnel doit répondre par son nom au cas où il te dit ‘Allo’. Malheureusement, les Sénégalais ne savent pas répondre au téléphone ». La formule service-département-nom n’est pas toujours respectée dans les sociétés.
Une demoiselle standardiste de profession affirme qu’elle ne respecte la formule que dans l’entreprise, mais en fin de service, elle utilise la formule la plus courte « Allo, oui ».
La réponse au téléphone est presque la même au Sénégal. Les gens ont adopté « Allo, oui » comme une formule nationale. Un oustaz a confié que le téléphone est conçu par les toubabs et le code c’est « Allo ».
Mamadou Fall
(Source : L’Observateur, 26 août 2010)