Alioune Badara Camara, ancien administrateur principal de programme au Centre de recherches pour le développement international (CRDI) qui avait pris sa retraite il y a peine un an de cela, a été brutalement arraché à notre affection le 26 août 2014. Tous ceux qui ont évolué dans le domaine de la gestion de l’information scientifique et technique (IST) puis des technologies de l’information et de la communication (TIC) et enfin de la gouvernance universitaire se rappelleront de ce grand Monsieur, d’une courtoisie extrême, d’un professionnalisme élevé, patriote jusqu’au bout des ongles, d’une honnêteté exceptionnelle, discret mais efficace, généreux et ouvert, homme d’engagement passionné par tous les projets dont il avait la responsabilité, sachant être franc, direct et sans complaisance avec ses interlocuteurs, sans pour autant être jamais cassant ni blessant. Après avoir débuté comme enseignant à l’École des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (EBAD) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), il avait entamé une brillante carrière internationale en tant que Coordinateur du Réseau sahélien de documentation (RESADOC) de l’Institut du Sahel à Bamako (Mali), relevant du Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS) avant d’être recruté par le Bureau Afrique centrale et de l’Ouest (BRACO) du CRDI où il fera tout le reste de son parcours professionnel et démontrera toute l’étendue de ses talents. Compte tenu de l’implication du CRDI dans la promotion des systèmes de gestion de l’IST en Afrique, à travers notamment un appui apporté à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), il sera impliqué dans tous les grands programmes en la matière tels le Pan African Development Information System (PADIS), le Capacity Building for Electronic Communication in Africa (CABECA) ou encore l’Initiative africaine pour la société de l’information (IASI). Au sein du CRDI, Alioune Badara Camara a fait partie des personnes qui ont joué un rôle essentiel pour l’Initiative ACACIA, qui deviendra plus tard le Programme ACACIA, avec le succès qui sera par la suite le sien avant de se transformer en « Connecter l’Afrique ». Pendant près de vingt ans, il sera un combattant infatigable de la promotion d’une utilisation inclusive et citoyenne des TIC en Afrique, appuyant de son mieux les états, les institutions nationales et régionales africaines comme les organisations de la société civile engagées dans ce combat. Il jouera également un rôle décisif dans les différentes tentatives visant à doter le Sénégal d’une stratégie nationale en matière de développement de la société de l’information. Tout récemment, il s’était fortement engagé dans la dynamique visant à relancer les activités du Centre national de documentation scientifique et technique (CNDST). En cette occasion, lui le Doyen, avait impressionné nombre de jeunes professionnels de l’IST, qui le découvraient pour la première fois, par son énergie, par la pertinence et la fraîcheur de ces idées et surtout sa capacité à mener une réflexion novatrice, très loin des attitudes d’« anciens combattants » que l’on constate souvent chez les gens qui voudraient refaire le monde à l’image de ce qu’il était hier en oubliant que le contexte a fondamentalement changé. Alioune pour les uns, Badou pour les autres, était respecté de tous, par ses cadets bien sûr mais également pas ses aînés, au Sénégal, en Afrique et ailleurs dans le monde. Dans un environnement où les critiques personnelles ne manquent pas, il était de ces rares personnes qui font quasiment l’unanimité autour d’elles de par leur comportement même lorsque leurs idées ne sont pas forcément partagées. En somme, Alioune forçait naturellement le respect de ses interlocuteurs qu’ils soient du Nord comme du Sud, et cela quel que soit leur statut professionnel ou leur position officielle. La disparation d’Alioune Badara Camara constitue beaucoup plus que la perte d’une bibliothèque vivante, c’est aussi et surtout la disparition d’une référence pour ne pas dire un modèle. Pour que le temps n’efface pas sa vie et son œuvre, il faudra songer, le moment venu, à immortaliser le nom d’Alioune Badara Camara afin qu’il continue d’être évoqué par les générations futures. En attendant, à sa famille éplorée, son épouse, ses enfants et sa famille élargie, mais également à sa famille professionnelle, OSIRIS présente ses condoléances les plus sincères et souhaite que la terre de Yoff lui soit légère et que Le Très Haut l’accueille en son paradis.
Olivier Sagna
– Secrétaire général d’OSIRIS