Alassane Dialy Ndiaye : « Une solution sera trouvée pour les appels entrants »
mardi 27 septembre 2011
Expert en télécommunications, Alassane Dialy Ndiaye explique la taxe sur les appels entrants au Sénégal. Le ministre de la Connectivité annonce par ailleurs qu’une réunion sur la question sera tenue dans les prochains jours au cours de laquelle une solution sera trouvée.
A quoi consiste la taxe sur les appels entrants au Sénégal ?
Je ne souhaite pas entrer dans des détails. Vous en avez beaucoup appris avec la publication du décret relatif à la taxe sur les appels internationaux. Vous avez entendu le point de vue de l’Artp, celui de la Sonatel. Ce que je souhaite dire pour le moment, c’est que le président de la République a signé un décret, il est clair. Le décret du président de la République doit être appliqué par tous les acteurs. Cependant, j’ajouterais qu’il ne faut pas perdre de vue que le Sénégal a signé des accords internationaux. Je me réfère particulièrement au règlement des télécommunications qui est un ensemble de textes, un ensemble d’avis acceptés par les différents opérateurs dans le monde.
Pour être bref, notre intention, et j’espère que cela sera accepté par le président de la République parce que c’est lui qui décide, est d’écouter toutes les parties concernées par cette affaire. Une fois que nous aurons entendu toutes les parties, je suis sûr que nous trouverons une solution qui sera dans l’intérêt et du gouvernement sénégalais et de tous les acteurs.
Dans cette affaire, il n’y a pas que la Sonatel, il y a d’autres opérateurs. Toute mesure prise, que ce soit sur les appels entrants ou de départs, concerne les trois opérateurs. Evidemment, la Sonatel est le plus gros opérateur historique. C’est une question très technique, je préfère en discuter d’abord avec les experts du secteur et je suis sûr qu’une solution sera trouvée.
J’espère que nous trouverons rapidement une solution parce qu’il ne faut pas oublier que dans le domaine des télécommunications africaines, le Sénégal a fait un effort énorme. Cela fait plus de quatre décennies que des cadres sénégalais travaillent pour que le pays soit dans le peloton de tête des télécommunications africaines. Cet effort se poursuit actuellement.
Aujourd’hui, on parle de câbles à fibres optiques, là encore le Sénégal continue à jouer un rôle de carrefour essentiel. Il faut avoir ce souci de ne pas perdre cette position-là, quelle que soit la question abordée dans le domaine des télécommunications. Les télécommunications évoluent très vite, tous les pays avancent et nous devons accélérer notre rythme si nous voulons maintenir la position que nous avons obtenue avec beaucoup de difficultés.
Comme vous avez dit, c’est une question technique. Mais comment pouvez-vous expliquer cette taxe dans un langage plus compréhensible ?
En gros, dans un langage compréhensible, de façon plus simple, schématique, ce n’est pas exactement cela, mais pour vous aider à comprendre. D’habitude, quand deux abonnés de pays différents communiquent, on taxe en général l’abonné qui est à l’origine de l’appel et normalement celui qui reçoit l’appel ne paie pas, en gros c’est cela. Je ne veux pas entrer dans les détails. Maintenant, si l’on introduit une taxe pour les appels entrants, cela s’appelle une taxe de terminaison. L’application d’une telle taxe mérite beaucoup d’analyse et cela doit être fait (si l’on doit l’appliquer) en accord autant que possible avec tous les opérateurs. Par exemple, si vous appliquez une taxe de terminaison donnée X, il est clair qu’elle ne va pas avoir les mêmes conséquences pour la Sonatel qui a un gros trafic que pour d’autres opérateurs qui ont un trafic moindre. Si vous appliquez la même taxe pour tout le monde, cela peut créer des problèmes parce que tous les opérateurs n’appliquent pas les mêmes taxes. Les choses ne sont pas aussi évidentes, mais j’entrerai plus tard dans les détails quand j’aurai tenu des réunions de travail approfondi avec les différents acteurs dans ce domaine.
En tout cas, faisons en sorte que le Sénégal continue à être dans le peloton de tête des télécommunications. Il y a une autre question qui me préoccupe : les télécommunications se développent, le mobile aussi, mais la plupart des opérateurs sont contrôlés par des intérêts souvent non africains. Mon souci, ce serait de faire en sorte que les privés africains essayent de prendre une place plus importante dans le capital des différents opérateurs du continent parce que les télécommunications constituent un gisement énorme de développement économique. Il faudrait que les Africains aussi soient à la base du développement de ces entreprises. Il serait intéressant d’aider le privé africain qui, je le répète, a joué un rôle plus important dans toutes ces sociétés qui s’occupent de technologies de l’information et de la communication.
Le président de la République a émis l’idée de renationaliser la Sonatel dont le capital est détenu à 42 % par France télécom, le processus n’est-il pas coûteux ? Le Sénégal peut-il y arriver, selon vous ?
Il y a une date importante dans les télécommunications internationales que je n’ai pas mentionné tout à l’heure, c’est 1982. C’est l’année de démantèlement de ATT, une société américaine coupée en plusieurs branches. C’est le signal de départ de la libéralisation des télécommunications. Une vague est donc partie des Etats-Unis 1982, a envahi l’Europe et petit à petit s’est répandue en Asie et en Afrique.
La tendance, c’est la libéralisation des télécommunications. La Sonatel a été, au départ, une société nationale. Elle est partie de Télé Sénégal dont 100 % des actions appartenaient à l’Etat. C’est sur le socle de Télé Sénégal qu’on a bâti la Sonatel avec une société d’Etat qui fonctionnait comme n’importe quelle société privée mais de façon plus souple que les 90 % des autres sociétés sénégalaises.
Sur cette base, l’entreprise s’est développée et a fait des réalisations très importantes en peu d’années. Ce n’est pas moi qui le dis, demandez à tous les Sénégalais. Après, en 1997, le gouvernement du Sénégal a pris la décision de privatiser la Sonatel avec une certaine part qui revenait à l’Etat sénégalais et 10 % aux travailleurs et plus de 48 % à France télécom.
Actuellement, je suis sûr que les employés ne détiennent pas plus de 4 % de l’entreprise, beaucoup ont déjà vendu leurs actions. Il faut savoir aussi que beaucoup d’actions de l’entreprise sont à la Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm). Il y a des actions que détiennent France télécom et le personnel et d’autres à la bourse. Cela veut dire qu’elles peuvent être achetées par des Sénégalais, des Sud africains, des Coréens, des Chinois... Il ne faut pas oublier que la Sonatel est devenue une affaire non sénégalaise parce qu’il y a beaucoup d’actions qui sont complètement étrangères non seulement au Sénégal, mais à l’Afrique. Toute action entreprise ici, tout discours qu’on fait a forcément des incidences sur la valeur de l’action à la bourse. Je me garderai de prendre des positions, je me suis assez « tué », c’est le mot, pour développer les télécommunications dans ce pays. Je ne ferai rien pour les affaiblir. Au contraire, je continue à tout faire pour que les télécommunications sénégalaises soient toujours en pointe.
Abdoulaye Niass
(Source : (Le Soleil->http://www.lesoleil.sn/], 27 septembre 2011)