Affaire des 20 milliards de Sudatel : Thierno Ousmane Sy corrige Latif, Me El Hadj Diouf s’en prend au Forum civil
jeudi 9 septembre 2010
« Il n’y a pas eu de commissions dans l’attribution de la troisième licence de Sudatel. » C’est du moins l’avis de Thierno Ousmane Sy. Hier, lors d’une conférence de presse organisée par son avocat El Hadj Diouf, le conseiller du président en Tic a précisé qu’il n’a touché aucun centime et que l’argent a été reversé au Trésor public. Son avocat s’en est pris à ce qu’il est convenu d’appeler le « jury populaire ». Me El Hadj Diouf a vertement attaqué le Forum civil.
Thierno Ousmane Sy, le conseiller en Technologies de l’information et de la communication (Tic) du président de la République, a tenu à rectifier le journaliste Abdou Latif Coulibaly sur les fameuses « commissions » de la troisième licence de téléphonie. Lors d’une conférence de presse organisée hier, il affirme n’avoir pas eu de commission dans cette affaire. « Si j’ai porté plainte, c’est parce que je n’ai touché aucun centime. D’ailleurs, il n’y a pas eu de commissions », affirme-t-il. Selon lui, l’argent de Sudatel a été bel et bien reversé au Trésor public. « Je ne veux, en aucun cas, confirmer qu’il y a eu des commissions dans l’attribution de la troisième licence », martèle Ousmane Sy. Il note que l’erreur est humaine. « Si aujourd’hui Latif présentait ses excuses, j’allais apprécier et je prendrais une décision en rapport avec ceux qui me conseillent dans cette affaire ».
Il explique que « lorsqu’on octroie une licence à une société, celle-ci s’engage à faire un certain nombre d’investissements dans le pays ». À l’entendre, Sudatel s’est engagé à faire des investissements de plus de 500 millions de dollars pour mettre en place son réseau. « Mais vous pensez que l’Etat du Sénégal a le temps d’aller voir comment ils ont dépensé ces 500 millions de dollars », dit-il. D’après lui, Sudatel a dépensé au moins 350 millions ». Il dit avoir réussi à vendre « un papier » à 90 milliards de FCfa. « Seulement un papier, il n’y avait pas d’infrastructures liées à ça. Il n’y avait pas d’avantages fiscaux », a-t-il précisé. « Je réitère mes propos, la licence a été vendue à 200 millions de dollars, pas plus pas moins (soit environ 90 milliards Fcfa). Maintenant, soutient-il, « il faut faire la part des choses, c’est-à-dire la différence entre l’offre que l’opérateur fait et l’opération de payement. C’est deux processus différents », explique-t-il. D’après le conseiller en Tic du président de la République, Sudatel a proposé 200 millions de dollars, le deuxième a proposé 150 millions de dollars et le troisième avait proposé 100 millions de dollars. Ils ont préféré donner la licence à Sudatel. « Aucun des opérateurs n’a contesté. Ils ont perdu, ils m’ont remercié. Ils ont dit qu’ils vont revenir au Sénégal dans le cadre de la quatrième licence. Moi, je ne connais pas Cheikh Tidiane Faye de Wirless. En tout cas, nous avons utilisé le même procédé que la France, les Etats-Unis et le Japon », renseigne Thierno Ousmane Sy.
« Quand on reçoit la devise, on applique le taux d’échange du jour du transfert. Sudatel s’était engagé à payer 200 millions de dollars, selon une durée bien précise. Et ils ont payé bien avant la date fixée », dit-il. Le conseiller de Me Wade en Tic a fait savoir que par rapport au Congo, à la Guinée et à la Mauritanie, le prix de la 3ème licence du Sénégal est beaucoup plus élevé. « Et ça je ne l’ai pas réussi seul. Le président m’a demandé de piloter ce projet avec les différents démembrements de l’Etat qui interviennent dans le secteur, notamment le ministère des Télécommunications et l’Agence de régulation et des télécommunications (Artp). Je n’ai pas travaillé en solo », indique-t-il. Thierno Ousmane Sy compte aborder son procès du 14 septembre prochain de manière sereine.
Me El Hadj Diouf s’en prend au « jury populaire » et au Forum civil
« La démarche du Forum civil est illégale, irrespectueuse et constitue un précédent extrêmement dangereux pour la stabilité du pays. » Pour Me El Hadj Diouf, le Sénégal n’est pas un pays où règne le désordre ou la guerre. Il existe, dit-il, des lois et des principes. « Parmi ceux-ci, la Constitution votée par le peuple missionne la justice pour le règlement des différends. Le Forum civil, par la mise en place d’un tel simulacre, ne respecte donc pas la Constitution, ne respecte pas le peuple sénégalais qui l’a votée, ne respecte pas la justice sénégalaise à laquelle il veut se substituer et au profit de laquelle les parties doivent être silencieuses avant le jugement rendu », a-t-il dit. Me El Hadj Diouf précise qu’un jugement comporte deux parties : le plaignant et l’accusé. Pour lui, c’est une démarche biaisée et non consensuelle. El Hadj Diouf a fait comprendre que le fait de demander la démission du ministre, père d’Ousmane Sy, est une insulte à la justice sénégalaise. Il a fait savoir que Latif a deux parents proches dans le système judiciaire. Me Diouf estime que le directeur de publication n’est pas un prophète. Il s’est fourvoyé et n’a jamais eu les preuves qu’il dit détenir. « Latif Coulibaly a demandé le renvoi pour organiser le bruit autour de lui et déporter le problème sur un terrain politique. Certes, il fait beaucoup de choses pour son pays, mais cette fois-ci il s’est trompé. » De l’avis de Me El Hadj Diouf, le jury populaire, c’est un défi lancé à la justice. Il veut manipuler l’opinion. « C’est une violation de la Constitution. » Ce « groupe de copains » risque d’envoyer le directeur de la Gazette en prison.
Ibrahim Saandi Kemba
(Source : L’Observateur, 9 septembre 2010)