Affaire Sentel : Karim Wade rétablit la vérité
vendredi 12 février 2010
Le site www.businessinsider.com a diffusé au début du mois de février 2010 un article intitulé « the Joy of Doing Business in Africa : How corrupt Senegalese Politicians Tried To Shake Down Milicom For $200 Million » consacré à la prétendue corruption sévissant dans la classe politique sénégalaise.
Affaire Sentel : Karim Wade rétablit la vérité
Pour preuve, l’auteur de l’article, Monsieur Lawrence Delevingne, s’est largement fait l’écho du différend opposant la République du Sénégal au Groupe International Millicom (ci-après « Millicom ») et, tout particulièrement, des négociations qui ont eu lieu dans le cadre dudit différend entre des représentants du Gouvernement du Sénégal et de ladite Multinationale.
Plus précisément, Monsieur Lawrence Delevingne affirme dans l’article incriminé que j’aurais réclamé à l’ancien Président Directeur Général de Millicom, Monsieur Mark Beuls, le montant de 200 millions de dollars.
D’emblée il y a lieu de relever que l’auteur de l’article, tout en reconnaissant qu’il n’a pas été en mesure de vérifier les informations largement reprises dans celui-ci, prétend qu’il en a eu l’intention en sollicitant à cet effet, en vain et à maintes reprises l’Ambassade du Sénégal à Washington, se gardant bien d’identifier le diplomate qu’il aurait tenté de contacter.
Tout journaliste sérieux, en bon professionnel, aurait pris soin de vérifier directement ces informations auprès de ma personne.
D’ores et déjà, ce constat justifie à lui seul que l’auteur de l’article n’avait pas pour préoccupation d’informer objectivement et sainement l’opinion publique tant nationale qu’internationale sur le sujet consacré au différend opposant la République du Sénégal à Millicom mais plutôt de s’en prendre exclusivement et principalement aux institutions de notre pays et à ma personne.
Il est regrettable que des journalistes acceptent d’être instrumentalisés et ainsi d’enfreindre gravement leur déontologie.
Aussi, j’ai estimé nécessaire de procéder à une chronologie factuelle du dossier Millicom, étant évident qu’il existe un lien entre la diffusion de cet article ayant pour objet la relation de faits remontant à l’année 2008 et la situation procédurale actuelle de la procédure d’arbitrage.
A l’évidence, l’auteur de l’article a eu pour préoccupation de vouloir donner bonne conscience à Millicom en l’érigeant dans ce dossier en victime, cette dernière craignant que les conditions d’octroi en sa faveur en 1998 de la seconde licence de téléphonie mobile (ci-après « Deuxième Licence ») jette un discrédit sérieux sur son image et ait une incidence négative quant à ses prétentions dans le cadre de la procédure d’arbitrage actuellement en cours.
A cet égard, il ne saurait être sérieusement contesté que le prix d’acquisition par Millicom et sa filiale Sentel le 03 juillet 1998 de la Deuxième Licence était manifestement dérisoire, spoliant les intérêts du Sénégal et ne pouvait avoir été fixé que dans des conditions fortement suspectes, le tout consécutivement à des actes qui étaient loin d’être honorables et dont les seuls bénéficiaires ont été d’une part, l’attributaire de ladite licence et d’autre part, les responsables sénégalais qui, en son temps, étaient à l’origine de ladite attribution.
Ainsi, il convient de rappeler que le prix payé par Millicom/ Sentel en 1998 pour l’acquisition de la Deuxième Licence s’est élevée à 100 000 dollars US alors que d’autres pays ont cédé des licences dans des conditions de transparence à des prix beaucoup plus élevés presque dans la même période (le Cameroun pour 74 millions de dollars US, le Kenya pour 50 millions, la Cote d’Ivoire pour 54 millions de dollars, la Mali pour 62 millions de dollars, le Soudan pour 177 millions de dollars, le Maroc pour 1,1 milliard de dollars, et l’Algérie pour 537 millions de dollars). Immédiatement après l’Alternance, le Gouvernement du Sénégal, constatant l’inexécution par Sentel de ses obligations, a régulièrement résilié en septembre 2000 la convention de concession.
Sans aucun doute consciente, entre autres, que son comportement était loin d’être irréprochable, Millicom/Sentel n’a pas, en son temps, contesté cette résiliation adoptant un profil bas en sollicitant la mise en œuvre d’un processus de négociations.
Parallèlement et continuant à s’inscrire dans une logique d’assainissement du secteur des Télécommunications, le Sénégal a eu, par ailleurs, pour préoccupation de définir dans la plus grande transparence une nouvelle politique sectorielle, s’attachant, à cet effet, le concours de Cabinets de notoriété internationale tels McKinsey, Clifford Chance et de la Banque Rothschild.
Un nouveau Code des Télécommunications a été ainsi élaboré et est entré en vigueur.
Par un accord du 09 août 2002, Millicom a adhéré à cette nouvelle politique sectorielle, en s’engageant à s’y conformer et à négocier de bonne foi les nouvelles conditions, principalement financières, devant régir ses opérations au Sénégal, le tout dans l’attente de l’arrivée prochaine d’un troisième opérateur.
En ma qualité de Conseiller Financier de Monsieur le Président de la République du Sénégal, j’ai été chargé aux côtés, notamment, de Monsieur Thierno Ousmane Sy, Conseiller Spécial aux Nouvelles Technologies, de suivre le dossier d’appel d’offres pour l’attribution de la troisième licence globale de Télécommunications.
Le prix de cette troisième licence de télécommunications, soit 200 millions de dollars US, réglé par son attributaire Sudatel au Trésor Public sénégalais devait servir de référence à la fixation du prix de la nouvelle licence Millicom.
Contrairement au prix de la Deuxième Licence attribuée à Millicom en 1998, le prix précité de la troisième licence a pris en compte les intérêts du Sénégal et reflétait celui du marché.
Missionné par l’Etat du Sénégal et en exécution des termes de l’accord précité du 09 août 2002, Monsieur Thierno Ousmane Sy et moi-même avons été amenés effectivement à rencontrer à Paris Monsieur Mark Beuls en présence de Monsieur Pape Abdoul Ba, Président du Conseil d’Administration de Sentel, étant assistés de représentants de la Banque Rothschild et du Cabinet Clifford Chance.
Contrairement à ce que laisse insidieusement sous-entendre l’article incriminé, je n’ai jamais eu à rencontrer seul l’un des dirigeants de Millicom, ce que ces derniers ne pourront que reconnaître.
Au cours de cette rencontre, jai dit à Millicom que la valeur de la licence qu
ils ont obtenue en 1998 et quils doivent payer à l
Etat du Sénégal était située entre 200 millions de dollars US (prix que lEtat du Sénégal a obtenu et a reçu pour la troisième licence) et 375 millions de dollars US, correspondant à une offre spontanée et non sollicitée d
un leader mondial qui était prêt à verser ce prix pour reprendre la Deuxième Licence quelle exploite pour un prix de 100 000 dollars US. J
ai également ajouté que si lEtat du Sénégal organisait un appel d
offres transparent, il pourrait percevoir des revenus supérieurs à 375 millions de dollars US.
Au cours de cette même rencontre, Monsieur Mark Beuls nous a répondu quils avaient une licence en bonne et due forme et qu
ils nentendaient pas la renégocier.
Je leur ai également rappelé que dans le secteur des télécommunications, il était courant de renégocier le prix d
une licence, si elle ne reflétait pas la valeur réelle du marché (Côte d’Ivoire en 2001, Bénin en 2007).
Sur ce, revenant totalement sur ses engagements contractuels d’août 2002, Millicom a brutalement affirmé qu’elle restait attributaire de la Deuxième Licence.
En réalité Millicom n’entend donc pas, à nouveau, respecter ses engagements contractuels et, pour se justifier procède par voie d’amalgames et d’allégations mensongères, le tout en instrumentalisant des organes d’information (notamment BusinessInsider) et lobbies.
Plus tard, le 18 Mai 2009, Millicom fera aux cabinets-conseils de l’Etat une offre de 60 Millions de dollars US que Monsieur Thierno Ousmane Sy s’est chargé de rejeter lors d’une audience qu’il leur aura accordée à leur demande et au cours de laquelle des représentants de Rothschild et de Clifford Chance étaient présents.
Le 19 Juillet 2009 Mikael Grahne écrira soudainement au Président de la République indiquant : « ... Millicom souhaiterait une résolution rapide et amiable au différend qui nous oppose à l’Etat ... notre société est prête à relever son offre transactionnelle de 60 à 100 Millions de dollars US ». L’Etat du Sénégal n’a pas jugé utile de donner de suite à ce courrier.
M’inscrivant dans une logique de totale transparence, je suis disposé à tout moment à débattre publiquement du dossier Millicom, notamment, avec les responsables de Millicom et de Sentel, à savoir Messieurs Mikael Grahne, actuel Président et CEO de Millicom, de ses anciens Vice Présidents Mark Beuls et David Kimche,
Pour permettre aux sénégalais de connaître toute la vérité dans cette affaire, il serait opportun que ce débat public porte entre autres sur :
– les négociations intervenues en 2008 entre les représentants de l’Etat du Sénégal, dont moi-même, et de Millicom. A l’occasion de ce débat, les cabinets et conseils assistant l’Etat du Sénégal au cours de ces négociations pourraient intervenir. Ainsi, l’opinion publique pourra connaître les circonstances dans lesquelles le montant de 200 millions de dollars a été évoqué et à quelles fins celui-ci devait être effectivement affecté ;
– les conditions dans lesquelles l’accord du 09 août 2002 entre l’Etat du Sénégal et Millicom est intervenu, accord qui a notamment autorisé, après résiliation de la concession octroyée à cette dernière, la poursuite provisoire de ses activités, le tout dans l’attente de l’issue de l’appel d’offres de la troisième licence ;
– les conditions d’octroi en 1998 de la Deuxième Licence à Millicom, étant évident que devront participer à ce débat tous les responsables sénégalais et de l’attributaire de ladite Licence qui avaient été impliqués dans cette opération. Tout tiers dont la participation à ce débat serait utile à la manifestation de la vérité pourrait y participer (banques d’affaires, cabinets juridiques, acteurs de notoriété internationale du secteur de la télécommunication et de la société civile).
Monsieur Thierno Ousmane Sy et moi-même souhaitons vivement que Millicom adhère pleinement à cette initiative que nous préconisons et qui ne préjudicie en rien aux actions judiciaires idoines que nous avons d’ores et déjà demandées à nos avocats d’entamer tant aux Etats-Unis qu’ailleurs, et ce à l’encontre de toutes les personnes morales et physiques qui ont, dans ce dossier, gravement porté atteinte à notre honneur et à notre considération (hébergeur et propriétaire du site, auteur de l’article incriminé et organes de presse qui s’en sont fait l’écho).
Monsieur Karim WADE,
Ministre d’Etat, Ministre de la Coopération internationale, de l’aménagement du territoire, des transports aériens et des infrastructures
(Source : Le Messager, 12 février 2010)