Affaire SUDATEL : Kéba Keinde définitivement tiré d’affaire
jeudi 11 février 2016
C’en est donc fini de l’affaire SUDATEL pour Kéba Keinde. Le parquet général de la Cour d’Appel ne s’est pas pourvu en Cassation, après que la Chambre d’accusation de ladite Cour a confirmé la mainlevée sur les deux mandats d’arrêt lancés contre Kéba Keinde.
C’est l’épilogue d’une affaire qui a déchaîné les passions et fait couler beaucoup d’encre. Notamment à cause des sommes concernées : les 10 milliards F CFA de commissions dans la cession, en 2007, de la 3ème licence de téléphonie mobile. Ce qu’on a communément appelé l’affaire Sudatel se conjugue désormais au passé, en atteste le certificat de non-pourvoi qui vient d’être délivré à Me Boubacar Wade. Le document de la Cour d’Appel de Dakar en date du 29 janvier 2016 renseigne qu’il n’existe au registre des pourvois de ladite juridiction aucune mention de pourvois contre l’arrêt n°18 du 21 janvier 2016 rendu par la Chambre d’accusation de la cour de céans dans l’affaire ministère public et l’Agent judiciaire de l’Etat contre Thierno Ousmane Sy et Kéba Keinde. Cette audience du 21 janvier a en effet permis de confirmer la mainlevée ordonnée par la Chambre d’accusation sur les deux mandats d’arrêts lancés contre Kéba Keinde. Une ordonnance qui a fait l’objet d’un appel par le Procureur de la République.
En effet, selon les extraits des minutes du greffe de la cour d’appel de Dakar, par réquisitoire supplétif du 14 octobre 2015, le Procureur de la République a sollicité du magistrat instructeur l’envoi de lettres de rappels aux autorités chargées de l’exécution des commissions rogatoires d’une part et d’autre part la convocation de Kéba Keinde ou le décernement d’un mandat d’arrêt contre lui. Mais le magistrat a refusé de procéder aux dits actes. D’une part, il a argué que l’impératif du traitement des affaires dans un délai raisonnable s’y oppose. D’autre part, que les autorités chargées d’exécuter les commissions rogatoires ont été saisies d’une lettre de rappel qui est restée sans suite. Il a ajouté que, des deux mandats d’arrêt décernés contre Kéba Keinde, le premier a fait l’objet d’un procès-verbal de recherches infructueuses valant inculpation et le second a fait l’objet d’une décision de mainlevée. D’où l’appel interjeté par le Procureur de la République, par acte du 20 octobre 2015.
Mais la chambre d’accusation de la Cour d’Appel a donné raison au doyen des juges Mahawa Sémou Diouf. En considérant que l’exécution des commissions rogatoires n’est pas utile à la manifestation de la vérité. Mais de protéger les intérêts de la victime ou d’assurer à l’Etat la possession de biens qui pourraient être confisqués à son profit en cas de condamnation. En effet, ces actes ont été établis à l’égard des autorités judiciaires des Etats-Unis, des Emirats Arabes Unis et de Grande Bretagne, aux fins d’identification et de blocage des comptes ouverts par Thierno Oumane Sy en son nom personnel et aux noms de « ses » sociétés (Diastone, Ruya, Vikings, Platinium Services...) d’une part et, d’autre part, pour la saisie et le gel des biens mobiliers et immobiliers liés.
S’agissant de l’audition de Kéba Keinde sollicitée par le Procureur de la République, la Chambre a considéré qu’elle n’est pas nécessaire en l’état d’alors de la procédure, encore moins le décernement d’un mandat d’arrêt à son égard. La Cour a rappelé que, par arrêt n°96 du 29/04/2014 consolidé par décision n°93 du 03/07/2014 de la Cour suprême, la Chambre de céans avait déjà affirmé que le manquant reproché à Kéba Keinde et Thierno Ousmane Sy ne ressortait d’aucune pièce de la procédure. Raison pour laquelle le mandat d’arrêt international décerné contre Kéba Keinde a été levé par arrêt n°l13 du 02/04/2015 de la Chambre de céans. Selon toujours les extraits des minutes, depuis ces décisions, aucun autre élément de nature à établir la commission de faits par les personnes susvisées n’existe dans le dossier, de sorte que l’absence de charges pour les faits poursuivis est manifeste. Donc, selon la Cour, c’est à bon droit que le magistrat instructeur a refusé de procéder aux actes d’information complémentaires sollicités par le Ministère public.
Pour rappel, la Section de recherches de la gendarmerie, saisie par le Procureur de la République près le Tribunal régional hors classe de Dakar, s’est longuement penchée sur les conditions de cession de la 3ème licence de téléphonie mobile. De leurs investigations, il est ressorti que l’Etat du Sénégal a attribué cette licence à la société SUDATEL pour la somme de 200 000 000 de dollars US soit environ 100 milliards de francs CFA. Que le Trésorier Payeur Général a révélé que seule la somme de 88 683 646 541 F CFA a été encaissée par le Trésor public, suivant deux versements des 19 et 27 novembre 2007. Les enquêteurs avaient conclu que le gap de 10 918 353 459 F CFA avait été détourné. Que des commissions occultes de 10 millions de dollars ont été versées à plusieurs personnes, dont Thiemo Ousmane Sy, alors conseiller spécial du Président de la République chargé des NTIC, et Kéba Keinde, par les dirigeants de SUDATEL.
Thierno Ousmane Sy, inculpé et placé sous mandat de dépôt pour complicité de détournement de deniers publics, association de malfaiteurs et blanchiment de capitaux, a finalement été mis en liberté provisoire sur la base de contestations sérieuses.
Gaston Coly
(Source : Enquête, 11 février 2016)