Affaire Global Voice : Ce que l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) ne dit pas
vendredi 24 septembre 2010
Dans le débat sur l’affaire Global Voice les souteneurs du projet tente d’invoquer l’Union internationale pour justifier leur projet aux travers des deux arguments suivants :
1°La Convention de Melbourne donne le droit à tout pays du fait de sa souveraineté de réglementer ses télécommunications comme il l’entend.
2°La recommandation D156 de l’UIT prévoit qu’une prime soit payée par les opérateurs des pays développés à ceux des pays en développement qui leur offrent des opportunités supplémentaires de revenus à travers le développement des réseaux et le nombre croissant des abonnés
Concernant le premier argument la convention de Melbourne donne certes à chaque Etat la souveraineté de réglementer ses télécommunications, mais dans le respect des engagements internationaux auxquels a souscrit cet Etat, pas « comme il l’entend » sinon il n’aurait aucun sens à signer et à ratifier des traités internationaux.
Le Règlement des télécommunications internationales que le Sénégal a signé et ratifié dispose clairement que les prix de terminaison des appels sont décidés par les opérateurs qui s’échangent du trafic donc sans ingérence des Etats signataires.
Toute réglementation interne devrait tenir compte de cet engagement du Sénégal de ne pas se mêler de la fixation du prix entre opérateurs. Nous sommes encore une fois dans un domaine fortement concurrentiel où c’est le marché qui détermine le prix et non l’Administration.
S’agissant du deuxième argument, il est erroné de penser que la recommandation
D 156 de l’UIT relative aux « externalités des réseaux » dit qu’une surtaxe destinée à l’Etat peut être appliquée sur les communications internationales entrantes.
Le dispositif de cette recommandation est le suivant : « que les pays en développement examinent s’il serait opportun qu’une prime dite d’externalité de réseau - élément additionnel qui n’est pas un élément de coût - soit payée sur la taxe de répartition du trafic international des opérateurs des réseaux des pays développés aux opérateurs des réseaux des pays en développement ».
La recommandation pose au moins trois conditions dont aucune n’est réalisée par le décret 2010-632 instituant une surtaxe de communications internationales entrantes au Sénégal de 53% sur le Fixe et 117% sur le mobile :
Premièrement, la prime est négociée bilatéralement au niveau commercial par les opérateurs concernés ;
Deuxièmement, les fonds provenant de la prime d’externalité de réseau sont destinés exclusivement à l’extension des réseaux de télécommunications ;
Troisièmement, l’utilisation des fonds provenant de la prime d’externalité de réseau est contrôlée par les parties concernées, comme convenu mutuellement, un contrôle approprié étant effectué par une société comptable indépendante, à condition que cette société ne soit pas le vérificateur habituel des comptes de l’une des deux parties. En outre, les fonds peuvent être établis dans un pays tiers aux fins de neutralité.
Le Secteur des télécommunications n’émarge pas au budget de l’Etat, son développement est à la charge des opérateurs et non de l’Etat. S’il y a une prime d’externalité de réseau à percevoir, elle revient donc aux opérateurs. Or ces derniers n’ont rien demandé.
Les réactions de la Diaspora sénégalaise montre que la Surtaxe n’est pas payée par l’opérateur étranger qui conserve ses marges, ou par le citoyen autochtone, mais par ceux qui appellent beaucoup vers le Sénégal c’est-à-dire nos compatriotes émigrés. C’est pourquoi il convient d’être raisonnable sur les prix de terminaison vers le Sénégal.
Il est curieux de constater que ce système de surtaxe n’est mis en œuvre qu’au plus dans quatre pays africains, qui, du reste, ne sont pas des modèles de performance et de bonne gouvernance parmi une centaine dits en voie de développement dans le monde.
Et par ailleurs comment comprendre, pour un état qui est censé chercher les moyens de son développement, la « rémunération » pour 150 milliards à Global Voice Group pour un « service » qui ne coute pas plus de 1,5 milliards ?
Demba Diarra MBODJI
Président de l’Amicale des Cadres de la Sonatel ( ACSON)
Demba.mbodji@orange-sonatel.com
(Source : Sud Quotidien, 24 septembre 2010)