Adjudication de la troisième licence de téléphonie : Appel d’offres bidon !
mercredi 12 mai 2010
Entre Sudatel, le troisième opérateur de téléphonie au Sénégal et Celtel qui
avait également présenté sa candidature,il n y a pas photo. L’offre de Celtel
comparée à celle soudanaise, était largement meilleure. La Gazette a revisité
le rapport public relatif à l’adjudication de la troisième licence pour en
ressortir les incohérences.
Le gouvernement du Sénégal a publié, en janvier 2005, une lettre de politique
sectorielle des télécommunications. Parmi les axes phares retenus à l’époque,
figurait le lancement d’un appel à la concurrence en vue du choix d’un nouvel
opérateur qui devait disposer d’une licence globale lui permettant d’opérer sur
tous les segments du marché des télécommunications. Le processus a démarré en
novembre 2005, lors du sommet mondial sur la société de l’information (smsi)
qui s’est tenu à tunis. a cette occasion, les autorités sénégalaises ont
annoncé leur intention d’attribuer une nouvelle licence globale de
télécommunications. A la suite de cette annonce, plusieurs opérateurs ont
manifesté par écrit leur intérêt pour cette nouvelle licence globale. L’agence
de régulation de télécommunications et postes (artp) a ainsi élaboré un projet
de cahier des charges conformément aux prescriptions de l’article 23 du code
des télécommunications.
Au départ, cinq sociétés (Bintel, Belgacom, celtel, comium africa et sudatel) se
sont manifestées. La lettre de l’artp portant règlement de l’appel à la
concurrence, en date du 11 août 2007, a demandé à ces sociétés de lui faire
parvenir leur offre ferme au plus tard le 31 août 2007 à 12 heures précises
(heure de dakar). Une commission ad hoc a ensuite été constituée par note de
service n°02466/artp/dg du 30 août 2007. celle-ci constatera que seules Bintel,
celtel et sudatel ont pu déposer dans les délais fi xés leurs offres fermes sous
pli fermé. Elle se réunit le 6 septembre 2007 à l’effet de procéder à
l’ouverture publique des offres en présence des représentants des trois
soumissionnaires. Ils ont tous satisfait aux critères, en l’occurrence, le
dépôt de l’offre en cinq exemplaires, l’expression de la soumission en langue
française, le dossier technique, le dossier juridique et le dossier économique
et financier.
CELTEL MEILLEURE OFFRE MAIS RECALEE
en s’arrêtant sur les aspects économiques et fi nanciers, on se rend compte que
sudatel, l’opérateur retenu en défi nitive, était loin de présenter la
meilleure offre. Là où sudatel a acquis son sésame à 200 millions de dollars,
celtel était prête à casquer jusqu’à 210 millions de dollars. Sans compter le
fait qu’au niveau des capacités fi nancières, CELTEL est largement mieux lotie
que tous les autres soumissionnaires.
Son seul capital (4,7 milliards de dollars) est le triple de celui de sudan
telecom ltd (750 millions de dollars). Rien que son chiffre d’affaires moyen
des deux derniers exercices était de 3 milliards 75 millions de dollars tandis
que celui des soudanais n’était que 1,1 milliards de dollars. celtel dame aussi
le pion à Sudatel dans sa capacité d’autofi nancement (2,739 milliards de
dollars contre 1,4 milliard). aussi, si elle avait été retenue, celtel
promettait de tripler ses investissements en injectant 6,906 milliards en cinq
ans, là où sudatel envisage de mettre 515 millions de dollars seulement, pour
la même échéance.
Au chapitre des références et capacités techniques dans le domaine remarque que
les soudanais qui n’opéraient à l’époque qu’en mauritanie et chez eux,
accusaient un large retard derrière celtel qui pourtant a été recalée. cette
dernière, sur ce plan, vient en pôle position avec des activités dans 14 pays
africains, devant Bintel qui exploite une licence gsm en arabie saoudite, en
rca, en somalie, en guinée equatoriale et en Angola.
En ce qui concerne le calendrier de couverture, sudatel qui prévoit de mailler
l’intégralité du territoire national à sa cinquième année ne fait pas le poids
devant celtel, qui elle, s’était engagée à atteindre la couverture actuelle de
la sonatel en seulement deux ans. Au regard de l’exposé de tous ces faits qui
ne plaident guère en faveur de sudan telecom ltd, on ne peut s’empêcher de
s’interroger sur ce qui a pu présider au choix de sudatel. peut être les
autorités sénégalaises qui ont piloté le dossier sauront éclairer les
lanternes. En attendant, un constat se dégage : l’appel d’offres à l’issue
duquel la troisième licence de téléphonie a été attribuée à sudatel est bidon.
Au fond, cette lettre de mission signée par sudatel pour le compte des
lobbyistes américains et arabes a décidé de l’attribution de la troisième
fréquence de téléphonie. Avec des moyens très élaborés de corruption, sudatel a
réussi à damer le pion à tout le monde.
CONTRAT LIANT SUDATEL AUX EXPERTS
un cabinet d’experts (voir par ailleurs) est chargé dans le cadre de ce contrat
de conseiller sudatel quant à la stratégie et la tactique de négociation avec
l’etat du sénégal et ses conseillers fi nanciers. Au cas où un accord de
principe est obtenu pour l’acquisition, les experts devaient s’occuper à aider
leur client à négocier un accord d’acquisition défi nitif. Aussi, les
intermédiaires conseillent-ils l’opérateur soudanais sur toutes les questions
de régulation découlant de l’acquisition en plus d’assurer la liaison avec les
autorités de régulation compétentes.
Sans considérer le fait qu’ils aient également la mission d’accompagner leur
client dans le but d’obtenir du ministère des finances ou tout autre organisme
compétent une confi rmation du régime fiscal spécial ainsi qu’une confirmation
de l’autorité de régulation que la licence a été délivrée conformément aux lois
et règlements en vigueur au Sénégal. Ainsi, une prime de réussite pour ces
travaux consultatifs estimée à 10 millions de dollars devait leur être payée
dès la signature d’un accord contraignant avec le gouvernement du Sénégal.
La mention ci-dessus exclut toute taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Toute TVA,
le cas échéant, doit être prise en charge par sudatel. les frais engagés par
les comptables, avocats ou autres conseillers professionnels dans le cadre de
l’acquisition de cette licence seront également pris en charge par la compagnie
soudanaise.
Tout compte fait, les autorités actuelles semblent se payer la tête des
sénégalais en tentant de faire croire que la licence de millicom a été obtenue
en 1998 dans des conditions douteuses. Ce qui s’est passé en 1998 ne peut être
comparé à ce que notre pays a connu avec sudatel. C’est le moment d’arrêter le
cirque joué autour de millicom et de laisser tous les acteurs présents dans le
réseau faire leur travail.
Alioune Badara Coulibaly et Pape Adama Touré
(Source :La Gazette, 12 mai 2010)