« Action globale sur la cybercriminalité » Ismaïla Madior Fall expose la stratégie du Sénégal
lundi 12 novembre 2018
Monsieur le Représentant du Conseil de l’Europe,
Monsieur le Représentant de la Délégation de l’Union Européenne
Monsieur le Représentant de la Commission de la CEDEAO,
Monsieur le Directeur des Affaires Criminelles et des Grâces,
Monsieur le Directeur du Centre de Formation Judiciaire,
Mesdames, messieurs les magistrats,
Mesdames, Messieurs les délégués,
Messieurs les experts,
Chers participants,
Je voudrais, à l’entame de mon propos, vous exprimer toute l’importance que j’attache à cet atelier de formation judiciaire avancée sur la cybercriminalité et la preuve électronique dont je viens présider la cérémonie d’ouverture des travaux.
Permettez-moi aussi de souhaiter la chaleureuse bienvenue au Sénégal, pays de la TERANGA, à nos éminents hôtes, venus des pays frères du Bénin, du Burkina Faso, du Cap-Vert, de la Côte d’Ivoire, de la République de Guinée, de la Guinée Bissau, du Mali, du Niger, du Togo et de la Mauritanie, tout en y associant le représentant de la CEDEAO, les experts et managers du Conseil de l’Europe.
Mesdames et Messieurs ;
Au Sénégal, il est donné d’observer que le secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) est caractérisé depuis plusieurs années par son dynamisme.
En effet, ce secteur a, en 2016, contribué à hauteur de 8,7% à la formation du Produit Intérieur Brut. Ce développement a profondément transformé le quotidien de nos concitoyens, en favorisant l’émergence d’une société numérisée où les secteurs publics et privés utilisent de plus en plus les TIC pour fournir des services, nouer des transactions ou partager l’information.
A titre illustratif, la dématérialisation impacte positivement l’organisation et le fonctionnement des administrations aussi stratégiques pour l’économie que les Impôts, le Trésor public et de la Douane, et cela grâce aux processus de e-taxes et de e-dépenses.
Cet essor des TIC a pour corollaire une exposition grandissante de notre pays à des cybermenaces puisque des acteurs malveillants ont recours à des méthodes et instruments sophistiqués pour accéder frauduleusement à des systèmes d’information, subtiliser, altérer ou détruire des données publiques ou privées.
Le Sénégal, pour sa part, a très tôt pris la mesure de cette menace, en initiant un vaste chantier de réforme juridique du cadre des technologies de l’information et de la Communication ayant a donné naissance, courant 2008, à plusieurs textes législatifs et réglementaires parmi lesquels on il nous plaît de citer :
– la loi d’orientation sur la société de l’information,
– la loi sur la protection des données à caractère personnel et son décret d’application,
– la loi sur les transactions électroniques et son décret d’application,
– la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins,
– la loi sur la cryptologie et son décret d’application et
– la loi sur la cybercriminalité.
L’adoption de la loi portant sur la cybercriminalité, inspirée de la Convention de Budapest sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001 et des standards juridiques internationaux, a apporté de grandes innovations en matière de lutte contre la criminalité du cyberespace.
Sur le plan institutionnel, l’engagement des pouvoirs publics dans la prévention et la répression des actions cybercriminelles s’est traduit par la mise en place de différentes structures. Nous pouvons citer notamment la Commission de Protection des Données personnelles (CDP), la Brigade spéciale de Lutte contre la Cybercriminalité de la Police nationale (BSLC), la Plateforme numérique de Lutte contre la cybercriminalité de la Gendarmerie nationale, la Commission nationale de Cryptologie et tout récemment l’Ecole nationale de Cybersécurité à vocation régionale.
Dans le prolongement de ces précieux efforts, le Sénégal pays s’est doté, au sein du volet numérique dénommé « Sénégal numérique 2016-2025 » dans le cadre du Plan Sénégal émergent (PSE), d’une stratégie nationale de cybersécurité. L’idée est de traduire la vision suivante : « En 2022, au Sénégal, un cyberespace de confiance, sécurisé et résilient pour tous ».
Mesdames et messieurs,
Comme vous le savez, le Sénégal a effectivement adhéré à la Convention de Budapest qui est le premier instrument juridique international de lutte contre la cybercriminalité, ouvert à la signature des Etats non membres du Conseil de l’Europe.
Il en est de même de la Convention de l’Union africaine sur la Cybersécurité et la Protection des Données à caractère personnel dite de Malabo et datant du 27 juin 2014.
Ces deux instruments font notamment obligation aux Etats signataires d’édicter des normes appropriées assurant non seulement la répression de la cybercriminalité mais aussi la prévention des cyberrisques.
Mais aussi et surtout, la dimension transnationale de la cybercriminalité recommande à nos Etats de prendre en compte les enjeux stratégiques qui s’attachent au renforcement de la coopération juridique et judiciaire internationale contre ce phénomène. Ce qui impose à la communauté des Etats, à ceux de la CEDEAO en particulier, une action concertée, une entraide pénale efficace, y compris par l’échange de savoir et de savoir-faire.
En effet, quelle que soit la gravité du trouble que la cybercriminalité génère à l’ordre social, il n’en demeure pas moins, qu’à l’instar des autres formes de délinquance, sa répression est subordonnée à l’administration d’une preuve de culpabilité. Or en cette matière, les preuves électroniques sont par nature volatiles et souvent impossibles à localiser avec l’externalisation des données hors des territoires nationaux ou vers des espaces virtuels.
C’est pourquoi, un tel atelier sera, à n’en point douter, l’occasion de partager des idées et expériences enrichissants autour de toutes ces problématiques aux fins d’assurer l’efficacité de la répression des infractions commises dans le cyberespace.
Mesdames et Messieurs ;
Avant de rappeler, il me revient de rappeler que cette activité s’inscrit dans le cadre du projet GLACY+ (Action Globale contre la Cybercriminalité Elargie), qui a été lancé à la suite de l’achèvement de la première phase (2013-2016).
C’est l’occasion pour nous de renouveler toute notre gratitude à l’endroit du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne pour le choix porté sur le Sénégal comme faisant partie des pays prioritaires du projet GLACY, dont la conférence de lancement s’est d’ailleurs tenue ici même à Dakar en mars 2014.
Cette gratitude est également exprimée à l’endroit des autorités et des experts de la CEDEAO qui ont remarquablement contribué à la tenue du présent atelier.
Sur ces mots et en souhaitant plein succès à vos travaux, je déclare ouvert le Cours de Formation Judiciaire avancée sur la cybercriminalité et la preuve électronique à l’intention des magistrats des pays francophones et lusophones de la CEDEAO.
Je vous remercie de votre aimable attention.
(Source : Dakar Actu, 12 novembre 2018)