Accès universel aux télécoms sénégalaises : Cette portabilité qui n’est toujours pas à portée
samedi 8 septembre 2012
Changer d’opérateur tout en conservant son numéro. Cela s’appelle la « portabilité » et ce n’est pas forcément une nouveauté à travers le monde. Ce n’est pas non plus une réalité au Sénégal où une enquête de Cicodev (Institut panafricain pour la Citoyenneté, les Consommateurs et le Développement) pose le débat et exhorte les autorités à sa mise en oeuvre.
Dans l’article 2 du décret n° 2005-1183 du 6 décembre 2005, la « portabilité des numéros »est définie comme « la possibilité pour un usager d’utiliser le même numéro d’abonnement, indépendamment de l’exploitant chez lequel il est abonné, et même dans le cas où il change d’exploitant ou de localité géographique ». Il s’agit-là de deux des trois formes (opérateur, géographique et de service) de portabilité. A l’époque, si les conclusions de l’étude commanditée alors par l’ART (devenue ARTP) estimaient que « ces évolutions ne se justifiaient pas dans le cas du Sénégal pour cause de maturité du marché), cela ne semble plus être le cas, aujourd’hui.
La pré-enquête menée en 2009 par CICODEV ( Institut panafricain pour la Citoyenneté, les Consommateurs et le Développement) et dont le directeur exécutif Amadou C. Kanouté a présenté hier vendredi les conclusions, fait ressortir que la peur de perdre son numéro par lequel « tout le monde vous connait » en changeant d’opérateur, constitue pour le consommateur, le principal obstacle qui l’empêche de profiter pleinement des avantages offerts par les opérateurs concurrents.
Pour le Directeur exécutif de Cicodev, « le recours à cette fonctionnalité qu’est la portabilité induit plus de concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile. » Les conséquences attendues pour le consommateur vont des prix plus bas à une accessibilité accrue des usagers de la téléphonie en passant par une meilleure qualité de service, entre autres.
Le must, c’est tout de même que le consommateur n’est plus un client captif d’un opérateur du fait de son numéro qui constitue ainsi une « carte d’identité ». Par la même occasion, l’accès universel tant souhaité avec une égalité du consommateur devant le service public quelque soit sa localisation géographique, passe certainement par cette évolution.
Pourtant, très peu des interviewés de l’enquête de Cicodev connaitrait la portabilité mais aussitôt affranchis sur la fonctionnalité, leur choix se serait porté sur cette option en lieu et place de l’achat de plusieurs portables ou plusieurs puces.
Or des frontières sénégalaises, au Ghana où elle a été mise en œuvre le 7 juillet 2011, la même année qu’en France, le délai de mise en œuvre de la portabilité des numéros serait tombé entre 2 et 22 minutes avec une moyenne tournant autour de 7 à 8 minutes, renseigne le rapport de Cicodev.
Au Maroc, la commercialisation de la portabilité auprès des usagers/abonnés remonterait à 2007. La liste n’est pas exhaustive. Vient alors la question massue du coût.
Qui paye ?
Le consommateur sénégalais très sensible au coût du service est en droit de se demander à quel prix il serait porté. Or, il apparaît qu’en terme de portage, ce sont plutôt les opérateurs qui se répartissent les coûts tandis que le consommateur ne paie aucun coût supplémentaire.
Alors qu’aucun coût n’est signalé pour le consommateur dans les pays africains qui ont déjà mis en œuvre la portabilité, en France, les coûts sont répartis entre opérateurs. Si l’ancien opérateur perd un client, le nouveau doit pour sa part lui verser quelque 7,25 euros de frais de portage (c’est à peu près le même système des compenses au niveau des banques au Sénégal).
Et pour gérer de manière électronique la portabilité du numéro, les opérateurs financent à hauteur de 3 euros le portage, le GIE qui aura été créé à cet effet. Baptisé « Entité de gestion de la portabilité », c’est cet organisme central constitué de représentants des opérateurs, qui centralise le dispositif du point de vue administratif et technique. En définitive chaque portage coûterait au total 10,25 euros au nouvel opérateur.
Plus rien ne justifie
En définitive, si il y a quelques années, les lignes directrices du projet « Harmonisation des politiques régissant le marché des Tic dans l’espace Uemoa-Cedeao » ainsi que les conclusions de l’étude Analysis sur la mise en œuvre de la portabilité des numéros au Sénégal ne considéraient pas comme « prioritaire » la portabilité entre opérateurs, outre les raisons d’immaturité du marché jadis évoquées, c’est sans doute pour des raisons secrètes de conservation de part… de marché.
Aujourd’hui, vu le développement fulgurant du marché de la téléphonie au Sénégal, plus rien ne semble justifier que l’on rechigne à mettre la portabilité des numéros à portée du consommateur. Une exigence somme toute recommandée par l’Union internationale des télécommunications(Uit).
Malick Ndaw
(Source : Sud Quotidien, 8 septembre 2012)