Pour le Dg de l’Artp, Abdou Karim Sall, la libéralisation de l’accès aux codes Ussd impulsera une nouvelle dynamique de développement des services mobiles innovants.
En libéralisant l’accès aux codes Ussd, jusque-là une chasse gardée des opérateurs de téléphonie, l’Artp veut impulser une nouvelle dynamique de développement des services mobiles innovants et favoriser l’inclusion financière. Au grand bonheur des acteurs de l’écosystème du numérique. Hormis, peut-être, les opérateurs de téléphonie.
L’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) vient d’accéder à une forte demande des acteurs du secteur numérique, mais aussi des banques et de toutes les structures proposant des services financiers digitaux ou de monnaie électronique. Son directeur général, Abdou Karim Sall, a annoncé, hier, lors d’un point de presse, une « libéralisation » de l’accès aux codes Ussd. De l’anglais Unstructured supplementary services data (données de services supplémentaires non structurés), l’Ussd permet d’accéder à des services à valeur ajoutée tels que le paiement électronique ou le mobile money à partir du téléphone portable. Jusqu’à présent, ces codes étaient étaient exclusivement détenus et exploités par les opérateurs de téléphonie mobile qui « pour des raisons évidentes pouvaient limiter ou bloquer leur accès aux autres acteurs », alors qu’ils (ces codes) constituent un canal fondamental permettant d’offrir des services financiers et autres services innovants. C’est cette situation de monopole décriée par les autres acteurs et qui est « fortement préjudiciable à la concurrence et à l’innovation » que l’Artp veut casser, avec la mise en place de ce nouveau cadre juridique. L’objectif est de permettre aux acteurs de tout l’écosystème d’impulser « une nouvelle dynamique de développement des services mobiles innovants ». « A travers cette décision, nous avons l’ambition de créer les conditions d’accès équitable à ce que nous considérons comme une facilité essentielle », justifie Abdou Karim Sall.
Pionnier en Afrique francophone
Naturellement, cette décision ne plaît pas forcément aux opérateurs de téléphonie qui voulaient continuer à « garder leur périmètre », même si l’Artp assure avoir opté pour une démarche concertée, incluant l’ensemble des parties prenantes : opérateurs de téléphonie mobile, fournisseurs à valeur ajoutée, etc. En effet, cette décision aura plusieurs implications sur l’écosystème du numérique. A commencer par une diminution des frais d’accès qui vont passer de 1 million à 350 000 FCfa (les trois opérateurs de téléphonie ont accepté de s’aligner sur ce tarif). Mais l’enjeu est ailleurs. D’abord, les opérateurs ne peuvent plus octroyer des codes Ussd qui seront sous le contrôle « exclusif » de l’Artp. Désormais, tout fournisseur de services à valeur ajoutée devra s’adresser à l’Artp pour avoir un code Ussd. Il y a aussi l’interopérabilité des différents codes, indépendamment de l’opérateur auquel on est abonné. L’Artp entend ainsi renforcer, avec cette décision, la concurrence dans le secteur des télécommunications, en particulier sur le segment de la téléphonie mobile, et promouvoir l’innovation, la baisse des prix des services, tout en s’alignant sur les meilleurs standards internationaux. « Il s’agit, pour nous, de donner la possibilité aux acteurs locaux, Pme, start-ups, acteurs de l’industrie numérique locale et d’autres secteurs de disposer facilement d’outils leur permettant de proposer à la population des services innovations au meilleur prix », plaide le Dg de l’Artp. L’Union internationale des télécommunications (Uit) demande aux autorités de régulation de favoriser l’accès des acteurs non opérateurs de téléphonie mobile aux codes Ussd afin d’encourager l’inclusion financière des populations en Afrique, mais, à ce jour, très peu de pays ont suivi cette recommandation. Le Sénégal fait ainsi œuvre de pionnier en Afrique francophone. Jusque-là, seuls l’Afrique du Sud, l’Ouganda, le Kenya et le Ghana avaient libéralisé l’accès aux codes Ussd. En Côte d’Ivoire, le processus est enclenché, mais les opérateurs de téléphonie continuent de faire de la résistance. L’Artp promet d’appliquer cette décision de « manière rigoureuse ». Et ceux qui seront tentés de bloquer la procédure se verront appliquer les sanctions prévues par le code des télécommunications.
Seydou Ka
(Source : Le Soleil, 11 avril 2018)