Abibe Fall, Directeur de l’automatisation du fichier (DAF) : « Le nouveau système électoral n’a jamais été aussi fiable »
mardi 18 avril 2006
Ingénieur informaticien de formation, Abibe Fall est, depuis mai 1999, à la tête de la direction de l’automatisation du fichier. Cette structure basée au ministère de l’Intérieur a, entre autres compétences, la gestion du fichier électoral. Invité des “ Rencontres du Soleil ”, il estime que le nouveau système électoral “ n’a jamais été aussi fiable ”. Selon lui, celui-ci garantit “ la transparence du fait de la technologie de pointe utilisée ”, mais aussi du dispositif de contrôle mis en place avec la Cena, les partis politiques et le ministère de l’Intérieur. Il fait remarquer aussi que l’objectif de trois millions d’électeurs fixé par l’État sera largement dépassé et atteindra plus de 4 millions.
On a l’impression que la Daf sert uniquement à couvrir le processus électoral. Pouvez-vous nous présenter cette structure ?
La Daf, c’est la direction de l’automatisation du fichier. C’est une direction du ministère de l’Intérieur qui est chargée de gérer tous les fichiers du ministère : carte nationale d’identité, électeurs, associations et partis politiques, armes et munitions, etc. Il y a énormément de fichiers que nous gérons, mais parmi ces fichiers, il y a un qui est populaire : le fichier électoral. En réalité, la Daf travaille essentiellement sur la carte nationale d’identité.
Souvent la double inscription est évoquée dans les journaux. Quelle explication apportez-vous par rapport à cela ?
Les doubles inscriptions sont souvent évoquées par la classe politique, mais en réalité, c’est pour créer des confusions. Nous avons mis en place des commissions administratives à travers tout le Sénégal. Dans chaque commission, il y a les représentants des collectivités locales, de l’administration, des partis politiques et la Cena qui est là pour superviser toutes les opérations. Mais, également, les techniciens. Il faut faire une différence entre les anciennes commissions et celles actuelles. Les commissions actuelles sont automatisées. Elles disposent de moyens informatiques importants, connectés à la Daf. Chaque fois qu’une inscription est faite dans une commission, cette inscription est envoyée immédiatement au niveau central. Parallèlement, au moment de l’inscription, il y a une fiche qui est remplie, c’est la fiche d’inscription. À partir de cette fiche, on va extraire un récépissé qui sera remis au demandeur et un autre qui sera remis à la Cena pour un contrôle. Étant donné que ces commissions sont réparties à travers tout le territoire, il est loisible à quelqu’un de mauvaise foi d’aller s’inscrire plusieurs fois dans différentes commissions. C’est ça qu’on appelle les doubles inscriptions. Mais, en réalité, le terme est inexact. Il faudrait parler de demande d’inscription. Il ne faut pas confondre donc une demande d’inscription qui se réalise dans une inscription et l’inscription à proprement parler. L’inscription, à proprement parler, se fait après un certain nombre de contrôles et se fait au niveau de la Daf où toutes les données sont centralisées. Cela veut dire que si une personne s’inscrit plusieurs fois, une fois que la centralisation est effectuée, on va s’assurer, on peut contrôler et détecter cette tentative de multiples inscriptions. Ce sont les données biométriques qui permettent de s’assurer de façon sûre qu’une personne qui a tenté de s’inscrire plusieurs fois ne pourra s’inscrire qu’une seule fois dans les listes électorales. Chaque fois que la personne s’inscrit, elle est obligée de donner ses empreintes puisque ces empreintes sont uniques, le système détectera toute double demande d’inscription. Et l’élimination se fera systématiquement. Bien entendu, il y aura une suite parce que le fait de tenter de s’inscrire plusieurs fois est interdit par la loi. Il y aura donc une suite judiciaire. Nous avons la liste de toutes les personnes qui tentent de s’inscrire plusieurs fois. Pour le système actuel, on peut considérer que ces personnes tentent de s’inscrire plusieurs fois pour essayer de discréditer le système, montrer qu’il laisse passer de multiples inscriptions. Dans l’ancien système, il n’y avait pas ces moyens biométriques et une personne pouvait s’inscrire plusieurs fois et, peut-être, passer à travers les mailles de contrôle. Nous dresserons la liste de ces personnes que nous transmettrons à la Cena qui est habilitée à les poursuivre. Dans le fichier, chaque personne sera représentée de façon unique. Le système n’existe nulle part dans le monde. C’est le seul système électoral où les individus sont repérés par leurs propriétés morphologiques. Du cheminement jusqu’au vote, on identifie la personne. À partir de ce moment, on peut dire qu’on a un système qui présente beaucoup d’avantages et qui est une grande amélioration par rapport à ce qui existait avant. Le nouveau système n’a jamais été aussi fiable.
Il y a eu un désaccord entre le pouvoir et l’opposition sur le fichier électoral. Quels sont les avantages et les inconvénients des formules qui ont été défendues par les deux camps ?
Le fichier électoral a été créé en 1977. Ce fichier a été créé et, au fur et à mesure que les personnes s’inscrivaient lors des différentes élections, on n’a pas jugé utile d’élaguer les multiples inscriptions qui se trouvaient dans le fichier. Peut-être, il n’y avait pas les moyens, mais il n’y avait pas cette nécessité à l’époque. Et jusqu’ en 1998, le fichier a atteint le chiffre de trois millions d’électeurs. C’est en 1999 que l’on a commencé à parler de refonte partielle du fichier. C’est-à-dire enlever ce qu’on appelle le stock mort. Il y a des critères pour enlever un électeur du fichier. En 1999, le critère qui a été choisi, c’était de dire : on maintient dans le fichier que les personnes qui ont retiré leurs cartes d’électeurs au moment des élections législatives de 1998. Cela nous a permis d’alléger le fichier qui est passé de trois millions à 1 700 000. Il y a eu d’autres refontes partielles, mais il faut simplement retenir que la refonte partielle consiste, à partir du fichier électoral, à trouver un autre fichier considéré comme plus fiable en appliquant un critère. Lors des élections référendaires, on a pris comme critère le maintien de tous ceux qui ont voté soit au premier ou au deuxième tour. La classe politique n’a jamais été satisfaite du fichier électoral bien qu’avant l’élection présidentielle, lors d’une conférence de presse, la question de savoir si le fichier électoral était suffisamment fiable pour aller aux élections avait été posée. L’opposition de l’époque avait estimé que le fichier était suffisamment fiable. C’était la réponse exacte de son représentant, Mamadou Diop Decroix. Chaque fois qu’on va vers des élections, les partis politiques ont tendance à dire qu’il faut faire une refonte. C’est pourquoi l’opposition a dit, l’année dernière, qu’il faut une refonte partielle du fichier électoral ou une refonte totale. Les débats ont tourné autour de cette question pendant un an et demi. Les uns étaient pour une refonte partielle du fichier qui a permis de faire l’alternance, les autres voulaient qu’on fasse la refonte partielle à partir des résultats des élections législatives, et d’autres voulaient une refonte à partir du fichier qui a permis de faire les élections locales. Chaque partie avait trouvé son intérêt dans l’un de ces fichiers. Le président de la République a, finalement, tranché en disant : puisque vous n’arrivez pas à vous entendre sur les critères pour créer un nouveau fichier et faire une refonte partielle, je décide de faire table rase sur les deux. Il n’y a plus de fichier et on recommence à zéro. C’est ce qu’on appelle la refonte totale. Mais, parallèlement, le président de la République avait pris la décision de faire une nouvelle carte nationale d’identité numérisée basée sur des données biométriques. Ainsi, le fait d’avoir une nouvelle carte d’identité et le fait de vouloir également reprendre totalement le fichier électoral doivent conduire normalement à obtenir un fichier électoral tout à fait fiable pour aller aux élections.
On s’est rendu compte que dans les campagnes, il n’y a pas beaucoup de commissions d’inscriptions et l’opposition y voit une mauvaise foi du pouvoir. Que répondez-vous ?
Il faut savoir d’abord quelle a été notre stratégie en matière d’inscription. Je raisonne en termes de technicien. Avant, on pouvait augmenter le nombre de commissions jusqu’à 1000. Il suffisait simplement de prendre un arrêté pour créer une commission dans telle ou telle localité. C’était facile puisque la commission n’avait pas de moyens informatiques. On désignait simplement quelques personnes pour aller dans un endroit précis et inscrire les personnes. Quand on a voulu informatiser les commissions, il s’est posé tout de suite une contrainte parce que, dans chaque commission, il y a au moins un ordinateur, un capteur d’empreinte, une caméra, un capteur de signature. En plus de ce dispositif, il y a les moyens des télécommunications qui permettent de transférer les données en temps réel vers la Daf. On ne peut pas démultiplier ces dispositifs à l’infini. On a dit, pour faire les inscriptions, on va se baser sur un nombre de commissions limité et on a commencé par la région de Dakar. S’il n’y avait pas les problèmes de matériels informatiques, on pouvait faire les inscriptions partout à la fois. Il a été décidé de commencer par Dakar avec 66 commissions fixes. On a mis après une cinquantaine de commissions mobiles à Dakar. De septembre à décembre, nous avons fait les inscriptions à Dakar. Pendant qu’on le faisait, la classe politique s’est agitée en disant : pourquoi on commence d’abord par Dakar ? Elle a évoqué la question de l’égalité des citoyens. Il y a des contraintes techniques. Vous ne pouvez pas installer des systèmes informatiques dans tout le pays en même temps. C’est impossible. Il faut donc y aller progressivement et c’est ce que nous avons fait. Nous avons commencé dans les régions en décembre.
Même en commençant dans les régions, il faut le faire par quelque chose. Nous avons alors débuté par les communes qui font plus de 8 000 habitants et les 103 sous-préfectures. Pour qu’une commission fonctionne, il faut remplir plusieurs conditions. Il y a l’environnement qui regroupe la climatisation, l’électricité et éventuellement un groupe électrogène et un bon éclairage puisqu’on prend des photos. Il y a en plus la présence de tous les membres de la commission, notamment la Cena. Si la Cena n’est pas là, vous avez beau installer des commissions, mais celles-ci n’ont pas le droit de travailler. Cela est arrivé. Nous avons installé plus 40 commissions en décembre qui sont restées en l’état pendant plusieurs mois jusqu’à ce que la Cena puisse désigner ses représentants dans ces instances pour que celles-ci puissent fonctionner. L’installation de commission en milieu rural se fait, mais de façon progressive. Nous avons commencé l’installation dans les communautés rurales qui se trouvent dans les zones excentrées notamment dans les régions de Kolda, Ziguinchor et Matam. Actuellement, nous sommes en train de déployer une centaine de commissions dans ces zones. Nous avons donc placé les zones rurales dans une certaine priorité. Cela n’a pas été fait au hasard parce que nous avons analysé le volume d’électeurs qu’il y a dans ces zones. Il y a à peine 10 communautés rurales sur les 320 qui font plus de 10. 000 électeurs. Connaissant la vitesse à laquelle les commissions travaillent, dans l’ordre de 150 à 200 inscriptions par jour, si vous faites le calcul, vous verrez que pour la plupart des communautés rurales, en moins de deux à trois semaines, le problème est réglé. C’est pour ces raisons qu’on les a mises à la fin du processus, sachant qu’avant que celui-ci ne se termine au mois de mai, on aura couvert tout le territoire national. J’ajoute que, par rapport aux chiffres que nous avons aujourd’hui, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Les personnes s’inscrivent. Dans les communautés rurales, il y a des gens qui se sont même déplacés pour aller s’inscrire dans les chefs-lieux d’arrondissement. C’est ça qui justifie les chiffres que nous avons actuellement parce que nous avons dépassé trois millions d’électeurs. Nous sommes à 3 100 000 électeurs. Dans ce nombre, il y a uniquement pour les régions 1 650 000 électeurs. Cela dépasse même Dakar qui a 1 450 000 électeurs. Les régions qui ont commencé tardivement dépassent Dakar du point de vue du volume. Ce qui est brandi au plan politique, disant qu’il y a des zones qui sont oubliées, il n’y a pas égalité entre les citoyens n’est pas conforme à la réalité sur le terrain qui démontre que les personnes s’inscrivent. Nous allons dépasser les objectifs que nous nous étions assignés. Et que nous allons vers 4 millions d’électeurs.
Est-ce qu’il y a possibilité de reporter le délai des inscriptions ?
La possibilité de report a été même évoquée chez nous. Il y a effectivement une possibilité et elle va se faire pour une raison bien simple d’ailleurs. On va prolonger probablement jusqu’au mois de juillet parce qu’il ne faut pas oublier aussi que les commissions distribuent les cartes. Étant donné que les cartes commencent à être produites, il est clair que les commissions, même si elles n’ont plus personne à inscrire, vont continuer à travailler ne serait-ce que pour délivrer les cartes mises à leur disposition.
Comment expliquez-vous le stockage des fiches au niveau des commissions d’inscription ?
Pour inscrire une personne, il y a des fiches à remplir. Il y a aussi des informations qui sont envoyées directement par la ligne. Ces informations envoyées par la ligne téléphonique sont le visage, les empreintes, la signature, le numéro d’identification nationale, le prénom et la date de naissance de la personne. Les fiches ne peuvent pas être acheminées tout de suite parce qu’elles vont rester pendant un certain temps à la commission, jusqu’à ce qu’il y ait un certain volume. Ensuite, l’autorité administrative est chargée de récupérer ces fiches et de les faire acheminer à Dakar. Un certain temps va s’écouler entre le moment où la personne s’est inscrite et le moment où ces fiches seront envoyées à Dakar, mais nous suivons cette évolution puisque nous centralisons tous les jours le nombre d’inscription dans toutes les commissions. Nous savons par exemple le nombre de fiches qui sont en instance à Koungheul et qui ne sont pas encore transmises à Dakar. C’est l’étape normale. Il y a forcément une procédure administrative qui fait que les fiches sont stockées. Il y a des fiches d’envoi qui sont établies, il y a des statistiques à faire sur le plan local avant que ces fiches viennent à la Daf.
Vous aviez annoncé que l’électeur aura ses cartes quelque temps après l’inscription, mais on a constaté que cela ne s’est pas réalisé. Qu’est-ce qui explique cette situation ?
Nous avons annoncé une capacité de traitement de 80.000 cartes par jour. Mais nous avons dit quelque part qu’on ne peut pas commencer la fabrication des cartes et tout de suite aller à la vitesse maximale. Ce serait mortel. C’est comme un véhicule. Vous ne pouvez pas acheter un véhicule neuf qui fait 200 km à l’heure et rouler tout de suite à cette vitesse. C’est casser le véhicule. C’est le même principe. Nous avons dit que nous pouvons faire 80.000 cartes, mais nous allons progressivement atteindre cette vitesse. Aujourd’hui, nous sommes à une vitesse de 20. 000 à 30. 000 cartes. C’est volontaire. Nous voulons que notre personnel s’habitue au matériel de fabrication qui est neuf. Il a été formé sur le tas et il faut un certain temps pour prendre la mesure de tous ces appareils. Nous avons une grosse imprimerie pour permettre la fabrication des cartes. Nous avons produit un certain volume de cartes, mais lorsque ces cartes sortent de la salle de fabrication, on ne les envoie pas directement dans les commissions. On va les acheminer dans une entité appelée section de la délivrance des cartes qui est chargée de vérifier la qualité des cartes, parce que c’est un domaine sensible. Lorsqu’une carte est envoyée dans une commission alors qu’elle est floue, cela peut créer un problème politique. Toutes les cartes sont ainsi vérifiées avant la distribution.
Pourquoi des personnes qui se sont inscrites au mois de septembre ne parviennent jusqu’à présent pas à retirer leurs cartes ?
La période du 6 septembre au mois de novembre est effectivement la première période d’inscription. Il y a eu malheureusement dans certaines commissions des personnes qui n’ont pas compris le processus d’inscription et qui ont mal rempli certaines fiches. Nous avons donc été confrontés à ces problèmes. Il y a eu aussi beaucoup de photos qui ont été mal prises. Nous avons perdu du temps avec cette période et, à un certain moment, nous nous sommes dit que nous ne devons pas perdre du temps avec cette période, on va la déclasser et continuer sur les autres périodes. C’est ce que nous avons fait. C’est cela qui explique que des personnes inscrites au mois d’octobre ou en novembre aient pu trouver leurs cartes, alors que celles inscrites au mois de septembre n’ont pas reçu les leurs. Le problème est aujourd’hui réglé puisque nous avons pu résoudre la plupart des cas. Les cartes correspondantes à cette période ont été produites. Mais elles ne sont pas encore sur le terrain. Elles le seront très bientôt et on va faire un communiqué qui va nous permettre de dire que tous ceux qui se sont inscrites entre le 6 septembre date du début des inscriptions jusqu’au mois de novembre peuvent aller dans les commissions retirer leurs cartes. Jusqu’à présent on ne pouvait pas le dire, il y avait juste cette période qui posait problème.
Est-ce que le processus de confection des cartes nationales d’identité va continuer après la période d’inscription ?
Après la période d’inscription, il est prévu de continuer à faire la carte nationale d’identité. Celle-ci est une activité permanente. On aurait pu même, pendant que certaines personnes s’inscrivent dans les commissions, laisser d’autres aller dans les commissariats de police pour leurs cartes. Mais, en discutant avec les partis politiques, on s’est rendu compte que si on le faisait on pourrait avoir des problèmes parce que les partis politiques nous disaient que s’il y a des citoyens qui se rendent dans les commissariats de police pour chercher la carte nationale d’identité, il faut que les formations soient présentes dans ces commissariats pour s’assurer que ces personnes ne vont pas être inscrites d’office dans le fichier électoral. À partir de ce soupçon, nous avons dit : laissons les choses aller, occupons-nous d’abord du fichier électoral, ensuite on va ouvrir les commissariats. Il y a des personnes qui n’ont pas le droit de s’inscrire dans le fichier électoral : les militaires, les policiers et même les agents de l’État qui, du fait de leurs fonctions, ne peuvent pas s’inscrire sur les listes électorales. Nous avons décidé, lors d’une réunion, la semaine dernière, que nous allons démarrer certains commissariats de police pour permettre aux policiers, militaires et mineurs de s’inscrire. Toutes ces personnes doivent avoir la carte nationale d’identité parce qu’à partir de 5 ans vous pouvez avoir cette carte, mais à partir de 15 ans l’obtention de cette carte est obligatoire.
Pensez-vous que le nouveau système pourra permettre de régler définitivement le problème de l’état civil ?
L’état civil est un problème extrêmement important. On est en train de le régler à partir justement de la carte nationale d’identité, nonobstant le fait qu’il y a un projet très important de l’état qui concerne le ministère des Collectivités locales. Ce projet tend à automatiser les centres d’état civil à travers tout le territoire. Si on le fait, ça va apporter beaucoup d’amélioration au niveau de l’état civil, mais ça ne changera pas le fait que quelqu’un puisse avoir plusieurs pièces d’état civil. Ce qui empêche d’avoir plusieurs cartes d’état civil, c’est la carte nationale d’identité. Une personne qui a des pièces d’état civil ne pourra plus en avoir d’autres. C’est pour ces raisons que, par la suite, nous allons mettre l’accent sur la jeunesse, les enfants à partir de 5 ans. Dans les écoles, on va tout faire pour que les jeunes puissent avoir la carte nationale d’identité dès le départ.
Comment les inscriptions vont-elles se dérouler pour les Sénégalais de l’extérieur ?
Les Sénégalais de l’extérieur représentent dans le fichier une partie très faible. Lors des dernières élections, il y avait 160. 000 Sénégalais de l’extérieur qui étaient inscrits dans le fichier électoral. Quand on sait qu’il y a 2 millions de Sénégalais à l’extérieur, on peut se poser des questions. Dans le principe du respect de l’égalité des citoyens, ces Sénégalais ont à la fois le droit d’avoir la carte nationale d’identité, mais également la carte d’électeur. Le ministère a décidé d’envoyer 20 missions qui vont sillonner les 31 pays où le Sénégal est représenté. On avait envisagé de démarrer cette opération, il y a deux semaines, à l’occasion du Magal qui devait se tenir en Italie qui regroupe beaucoup de Sénégalais, malheureusement nos partenaires pour l’opération qui devaient être prêts en même temps que nous ne l’ont pas été. Il n’y a pas que le ministère de l’Intérieur qui est intéressé par cette opération. Il y a les ministères des Sénégalais de l’extérieur et des Affaires étrangères, mais également la Cena. L’opération a été reportée, elle va reprendre la semaine prochaine. Toutes les parties prenantes sont prêtes. Nous avons un objectif minimum de 500.000 électeurs à enrôler.
Le personnel des commissions a récemment réclamé ses indemnités. Pourquoi cette situation ?
Le problème des indemnités est réglé depuis longtemps. Les membres des commissions sont maintenant payés régulièrement. Il y a eu des retards, à un moment donné, de deux mois. Ce retard était simplement lié aux procédures administratives liées à la mise en place du budget de l’État. Ce budget n’est totalement pas mis à la disposition des administrateurs en janvier et février. Il n’y a plus de problème à ce niveau.
Comment expliquez-vous les problèmes rencontrés par les inscrits au centre de Grand Yoff ?
Le centre de Grand Yoff est un cas particulier qui s’est posé en relation avec un autre centre. C’est un problème technique. Il y a eu une inversion de code au moment de le créer. On lui a attribué un code qui figurait déjà au niveau d’un autre centre. Quand on a voulu imprimer les cartes de ce centre, toutes les cartes ont été orientées vers l’autre commission. On a arrêté l’impression pour pouvoir régler le problème technique. Et c’est fait. Les cartes seront bientôt disponibles au niveau de la commission.
Y a-t-il une connexion entre le nouveau système et l’e-gouvernement ?
C’est une question qui touche un peu aux libertés publiques. Parce que le fait d’enregistrer des informations concernant les individus, notamment les empreintes, de les stocker dans une base de données, il va se poser toujours le problème de l’utilisation de ces données à d’autres fins. Le gouvernement est conscient de ça. La législation va être modifiée pour protéger les informations individuelles. Cela a joué même sur la carte. Si vous regardez bien, c’est une carte avec un code barre qui est une zone lisible par certains appareils et qui contient un certain nombre d’informations. À la place de ce code barre, dans certains pays, une carte à puce qui remplace ce code barre et qui permet de stocker toutes les informations, mais ces cartes à puce peuvent être lisibles à votre insu. Ces cartes émettent des ondes radios. Vous passez devant une porte, il y a des capteurs qui permettent de lire le contenu de la carte. On va donc lire le contenu d’une carte qui contient des informations individuelles. C’est un danger. C’est pour cela que nous avons préféré utiliser le code barre qui ne peut pas être lu à distance pour conserver les informations sur la personne. Bien sûr, ça donne des facilités. Pour le passeport, on va utiliser la carte à puce certainement pour que, dans les aéroports, les personnes n’aient plus à faire la queue. Une fois que vous arrivez devant la porte, celle-ci va s’ouvrir si votre passeport est dans votre poche. Dans l’e-gouvernement, lorsque les applications seront en place, pour qu’une personne puisse accéder par exemple à des informations détenues par le gouvernement, celle-ci devra s’identifier, et pour s’identifier, il n’y a rien de tel que la carte nationale d’identité que vous allez introduire. Et le système va le lire pour dire la personne dont il s’agit et dire si elle est présente. En ce moment-là, il faudra un lecteur d’empreinte. Vous posez votre doigt sur le lecteur, le système va savoir le monsieur que c’est M. X qui introduit sa carte et qu’il peut accéder à tel type d’informations au niveau de la base de données. Pour entrer dans l’e-gouvernement, il faudra utiliser la nouvelle carte d’identité qui permet d’identifier et d’authentifier les personnes qui accèdent à ce système. Il y a également une utilisation prévue pour les banques et les ambassades. Pour les représentations diplomatiques, lorsque quelqu’un vient demander un visa, on passe énormément de temps à chercher est-ce que la personne qui a remis la pièce est la vraie. Nous sommes souvent interpellés par les ambassades au sujet de personnes ayant demandé des visas et nous sommes souvent obligés de faire des recherches sur les fonds des dossiers avant de répondre. Avec la nouvelle carte, le problème ne se posera plus. Dès que vous présentez cette carte au niveau de l’ambassade, celle-ci, par le biais d’un lecteur, pourra tout de suite identifier la personne et s’accorder que cette dernière qui demande est bien la personne. Les banques ont aussi besoin de savoir si la personne qui demande à accéder à un compte est la bonne. Il y a souvent des délits liés à des identités autres que celle de la personne qui a fait la demande. Et la banque perd des millions voire des milliards. Il y a même la banque centrale des États de l’Afrique de l’Est qui est venue récemment voir le système que nous développons pour s’en inspirer pour pouvoir protéger les transactions bancaires au niveau des États de l’Afrique de l’Est, en utilisant les données biométriques. C’est pour dire que ce système est une innovation majeure qui permet au Sénégal de faire un très grand pas dans le domaine de la technologie.
Est-ce qu’il y a un cadre de concertation qui permet, avant toute diffusion d’information, d’en parler et peut-être de trouver des explications au niveau de la Daf ?
Il y a d’abord les rencontres périodiques entre le ministre de l’Intérieur et les partis politiques. Ce sont des rencontres d’échanges où le ministre évoque évidemment des questions particulières, mais les partis peuvent en profiter pour poser des questions concernant le processus électoral. En général, ces concertations permettent d’élaguer un certain nombre de problèmes. Mais, en dehors de ça, il y a un principe qui existe depuis fort longtemps : les partis politiques ont accès à la Daf et au fichier électoral. Depuis 1999, les partis viennent régulièrement à la Daf pour consulter le fichier électoral et poser des questions concernant le processus. La Cena est à la Daf en permanence. On n’imprime pas une seule carte sans qu’elle soit présente. Elle aussi présente au niveau du contrôle des fiches pour voir les anomalies et certaines erreurs. Les fiches qui arrivent sont par exemple accompagnées d’extraits de naissance : on va vérifier le cachet, la signature de l’officier, le numéro de l’extrait de naissance, etc. Lors de la dernière rencontre avec les partis politiques, on avait décidé qu’il y aurait une commission mixte regroupant la Cena, le ministère et les partis politiques. Cette commission devait siéger régulièrement pour faire le point sur l’état d’avancement des travaux et faire des suggestions, malheureusement, aujourd’hui, les gens sont plus obnubilés par la recherche de problèmes qui n’existent pas plutôt que par une tentative fiable de voir ce qui ne marche pas et de trouver des solutions. On a parlé récemment, dans la presse, d’étrangers qui se sont inscrits en masse. Cela n’est pas possible pour une simple raison : la composition de la commission d’inscription. On doit toujours comparer la commission telle qu’elle était et telle qu’elle est actuellement. Avant, la commission était composée du président et du secrétaire désignés par l’autorité administrative et l’Onel pouvait être là ou ne pas y être. Ce n’était pas obligatoire. Le président pouvait même aller chez lui prendre son carnet et inscrire des personnes. Tout cela n’est plus possible aujourd’hui parce que, dans la commission, il y a le président et son secrétaire, il y a le représentant du maire ou celui du président de la communauté rurale, les représentants des partis politiques, la Cena et l’équipe technique de la Daf. Dans cet environnement, on voit mal qu’un étranger puisse venir, essayer de s’inscrire et que toutes ces personnes soient d’accord pour l’inscrire. Il ne peut y avoir un consensus pour inscrire un étranger. Il s’y ajoute que l’instructeur de la carte nationale d’identité est un technicien du ministère de l’Intérieur. En général, c’est un policier retraité. Il a une grande expérience de l’identification des personnes. Avant, d’inscrire le demandeur, il lui pose d’abord quelques questions et peut, par le biais de ces questions, détecter si la personne est un étranger ou pas. À partir de ce moment, il lui est loisible de demander à la personne d’aller chercher un certificat de nationalité.
Que pensez-vous du vote électronique préconisé par des partis politiques ?
Certains partis ont proposé le vote électronique. Ce vote pose beaucoup de problèmes au niveau mondial. Il y a des tentatives partout, mais ce vote n’est pas encore bien ficelé. Il n’est pas question à mon avis de plonger dans ce vote électronique. On conserve le vote traditionnel. C’est-à-dire, vous arrivez, on vous identifie et vous allez faire votre choix. Et, à la fin de la journée, ont fait le décompte devant les partis politiques, la justice, la Cena et l’administration. On fait un procès-verbal qui est signé par tout le monde. C’est ce Pv qui sera envoyé au niveau du tribunal pour les résultats.
Propos recueillis par Babacar Dione(avec la rédaction)
(Source : Le Soleil, 18 avril 2006)