ATDA 2021 : le profil de l’innovation africaine et les moyens de la soutenir
samedi 4 décembre 2021
Le deuxième panel de la première journée des Assises de la transformation digitale en Afrique (ATDA) a donné l’occasion à des experts pour aborder leurs visons de l’innovation dans le contexte africain et parler des usages et les moyens de financer les idées/projets des start-uppeurs. C’était le 25 novembre 2021 en format hybride.
Le rendez-vous marquant le 10ème anniversaire de cet évènement annuel du digital était organisé par son fondateur Cio Mag, le magazine panafricain de référence sur les TIC et la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) sous la sponsorisation de l’Agence de développement du digital (ADD) et l’Université Mohamed VI Polytechnique de Benguerir (UM6P), lieu des Assises.
« Solutions technologiques, potentiel d’innovation, quels usages pour une Afrique résiliente et performante ? Soutenir et financer l’écosystème d’innovation et entrepreneurial en Afrique » était le thème de ce panel.
Pour en parler, ont répondu présents Luc Missidimbazi le conseiller Digital du premier ministre de la République du Congo, Ibrahima Nour Diagne, l’administrateur général de Gainde 2000, l’opérateur sénégalais de guichet unique, Othman El Yaalaoui, le directeur général délégué en branche consulting chez INETUM, et Mohamed Touré, managing partner de Sqorus Cote d’Ivoire.
Approches conceptuelles de l’innovation
« Elle est d’abord locale et répond avant tout à un besoin qui embête l’existence au quotidien » a défini le conseiller Digital du premier ministre de la République du Congo. Pour Moussa Touré, l’innovation « n’est pas que la grosse intelligence artificielle ou encore la grosse blockchain mais des solutions locales répondant à des besoins spécifiques ». Il a notamment fait référence à l’innovation qu’il a observé dans le domaine agricole et sanitaire en Côte d’Ivoire.
Quant à Ibrahima N. Diagne, il considère que la vraie innovation sort des universités, des laboratoires de recherche, elle se finance ; « elle s’appuie pour la vie sociale ou la vie économique des pays ». « La meilleure manière de survivre ce n’est pas d’innover mais d’améliorer » l’existant, a-t-il ajouté.
Selon lui, l’Afrique est très pauvre en innovation du point de vue technologique Preuve en est, « tous les usages émergents des 10 ou 15 dernières années ne portent pas la signature africaine en matière d’innovation ».
De son coté, Othman El Yaalaoui a constaté une accélération de l’innovation en Afrique en citant des chiffres d’investissements dans les startups technologiques et notamment dans le capital-risque.
« On était à sept cents millions d’euros en 2018, et cette année on est en passe de dépasser les deux milliards d’euros. Ces investissements ont été multipliés par trois en trois ans, et ce sera par dix à l’horizon 2025, selon les chiffres de Statistica et Oxford Business Group (OBG) », a illustré le cadre d’INETUM. Cette tendance, il l’a également observée lors de l’Africa Digital Manager Award (ADMA) lancé par son groupe l’année où 52 projets couvrant divers secteurs ont été présentés. Othman El Yaalaou a adressé un tour d’horizon géographique de l’innovation en Afrique.
« L’accélération est très disparate sur le continent. Le Nigeria, le Kenya, l’Egypte et l’Afrique du Sud accaparent 80 % des investissements en capital-risque. Très nettement derrière, se positionne le Ghana, un peu le Rwanda même si impacté par la Covid-19. Parmi les pays francophones, vient le Maroc avec 11 millions de dollars de capital investissement, soit 30 fois moins que les leaders », a-t-il marqué. Expliquant que ces pays en tête abritent « sans surprises », les grands hubs d’innovation à l’image de la Silicon Valley.
« Au Maroc, il y a le Technoparc de Casablanca qui a accompagné plus de 800 startups développées et 200 encore en incubation », a-t-il dit. Non sans évoquer les « bonnes initiatives » dans d’autres pays d’Afrique francophone.
« Quand on analyse cela, certains Technoparc ont été lancés avant ceux des leaders anglophones, mais on n’a pas tous les mêmes impacts ni les mêmes résultats. En mon sens, c’est très lié au capital investissement », a conclu M. Yaalaoui.
Comment soutenir l’innovation ?
« L’Etat doit soutenir à travers un appui direct et indirect. Soit notamment par des fonds de garantie qui sont très importants pour les startups hors listage de développement, le financement d’universités, des incubateurs et tous ces acteurs indispensables à l’émergence des idées et des talents », a répondu le directeur général délégué en branche consulting chez INETUM. Il a souligné, entre autres, l’importance du climat des affaires, la levée des barrières administratives et des critères qui ne peuvent être remplis par les jeunes pousses locales, la simplification des procédures, la promotion du pays pour attirer les investisseurs et le coaching des startups.
« Il faut mettre en place des clusters, donner l’occasion aux petits porteurs de projets d’éclore (…) Il faut innover dans les modes de financement que de penser seulement systématiquement argent », a rejoint le conseiller du premier ministre congolais. Luc Missidimbazi a aussi noté la nécessité de se doter des ministères spécialisés, et d’établir de vrais partenariats et des plateformes d’échanges visant à parvenir à des solutions win-to-win.
Pour l’administrateur général de Gainde 2000, il faut financer les recherches de développement et déterminer un couloir entre le milieu de la recherche et celui des entreprises. « Il faut aussi préparer un programme. Il faut mettre en place des mécanismes de financement dans ce couloir », a ajouté Ibrahima N. Diagne.
Aurore Bonny
(Source : CIO Mag, 4 décembre 2021)