De la rocambolesque affaire de corruption, de concussion et de prévarication des deniers publics dans l’affaire Sudatel en 2007 à la nébuleuse Gobal Voice, en 2011, l’Artp n’a habitué aux Sénégalais qu’à de grotesques scandales financiers.
Ses carences masquées, jusqu’ici, par le dynamisme des opérateurs, l’incompétence de son actuel directeur, qui défère l’entrée du Sénégal dans le monde de la 4G et l’absence de vision stratégique constituent, avec de nombreux autres manquements, un cocktail explosif pernicieux pour un secteur qui a fait partout ailleurs ses preuves.
Ils sont certainement peu nombreux les Sénégalais satisfaits du travail de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp). Tellement, l’organe semble se situer à des années lumières de sa véritable mission.
En effet, l’encadrement du secteur laisse à désirer. Dans le top of mind des populations, ce démembrement de l’Etat renvoie plus aux scandales de corruption, de prévarications des deniers publics et de l’absence totale de vision stratégique pour le développement du secteur qu’elle ne semble considérer que comme une poule aux œufs d’or.
En effet, la très liquide Autorité de régulations des télécommunications et des postes a réussi la prouesse de faire du Sénégal la risée du monde en 2007 avec la vaste opération de corruption et de concussion qui a enveloppé le processus d’attribution de la troisième licence globale de télécommunications à l’opérateur Sudatel.
Une opération nébuleuse, que la justice continue d’examiner près de dix ans après et qui a mis à nu toutes les carences du régulateur. Lequel était obligé de se faire accompagner par un cabinet international, grassement payé (1,5 milliard de francs Cfa, selon certaines sources) tout au long du processus.
Ce, au moment où il est censé disposer de toute l’expertise nécessaire à l’accomplissement de sa mission. Idem pour le contrôle des appels internationaux entrants au Sénégal pour lequel, elle a voulu solliciter l’appui technique de Global Voice, chèrement payé, pour accomplir sa tâche.
Pourtant, avec les nombreux milliards qu’elle collecte en termes de redevances, l’Artp dispose d’une puissance financière lui permettant de s’équiper pour bien réguler, elle-même, le secteur.
Qu’il s’agisse du contrôle du trafic d’appels entrants, de la vente de licences, du toilettage, ou encore de l’évaluation du prix de concession des licences 4G, l’Artp n’a pas besoin de faire appel à un cabinet international puisque le Sénégal dispose de toute l’expertise nécessaire.
Ainsi, par la faute de ses dirigeants, prompts à faire l’excès de zèle pour être dans les grâces du Prince, au point de finir en prison pour certains, le Sénégal a souvent perdu gros à cause de l’Artp.
Car, si aujourd’hui, les opérateurs ont tout calé pour exploiter la 4G, la gourmandise de l’Etat freine leur élan et lui fait perdre plusieurs milliards en termes de tickets d’entrée et de recettes fiscales, Pis, la compétitivité des entreprises sénégalaises en prend un sérieux coup, puisque ce réseau très haut débit offre d’énormes potentialités à celles-ci.
Ainsi, comme l’a souligné, jeudi dernier à Dakar, la spécialiste Tics de la Banque mondiale, Isabelle Huynh, lors de la présentation du rapport 2016, sur les dividendes du secteur des technologies numériques dans les économies mondiales, le secteur sénégalais des télécommunications manque de vision stratégique.
« Je ne veux pas revenir sur l’anecdote de la 4G au Sénégal mais je pense que c’est révélateur d’une absence de vision stratégique au niveau du gouvernement », disait Mme Huynh. En effet, le dynamisme des opérateurs présents sur le marché sénégalais a permis jusqu’ici de masquer les carences et errements de l’Artp.
(Source : Wal Fadjri, 22 mars 2016)