« 4ème opérateur sur le marché de téléphonie : et si c’était une occasion pour réformer le secteur des télécommunications ? »
lundi 17 juin 2013
Résumé exécutif
Le secteur des télécommunications occupe aujourd’hui une place de choix dans la vie
économique, sociale et même sociétale du pays. Son poids dans la création de
richesse nationale s’est accentué, ces dernières années, au point d’être choisi comme
une des grappes devant conduire le Sénégal à l’émergence économique.
En mars 2013, l’Etat a annoncé sa volonté d’attribuer une nouvelle licence de
télécommunications. L’opération est difficile, du fait des nombreuses contraintes
inhérentes au secteur, mais elle peut être une réussite et valoir au Sénégal de grandes
retombées, aussi bien techniques qu’économiques. Pour cela, des réformes semblent
nécessaires. En effet, la tendance observée ces dernières années laisse entrevoir que le
secteur traverse quelques difficultés malgré les résultats globaux positifs. Une
nouvelle licence est donc une occasion pour impulser une nouvelle marche et créer
les conditions d’une nouvelle dynamique de croissance et de développement,
profitable à tous. A cet effet, cinq mesures sont proposées à l’effet de modifier le
paysage des télécommunications dans l’optique d’atteindre les objectifs de la
libéralisation, jusque-là, très partiellement atteints en termes d’universalité, de prix,
de qualité et d’innovation :
- une mesure institutionnelle qui consiste à décliner une vision et une nouvelle
politique publique à travers l’élaboration et la publication d’une lettre de
politique sectorielle ; - les quatre autres mesures sont opérationnelles. Elles portent sur les conditions
d’établissement et/ou d’exercice du jeu de la concurrence, règle d’or de la
libéralisation. Ces mesures concernent le réaménagement du spectre des
fréquences, le partage des infrastructures, le roaming national et la portabilité
des numéros.
La mise en oeuvre de toutes ces mesures prend du temps et demande beaucoup de
concertation avec toutes les parties prenantes pour s’accorder sur les modalités
pratiques d’application. Cependant, l’enjeu est de taille car il s’agit de tirer un profit
technique et financier du placement de la licence, d’assurer un développement
optimal du secteur au bénéfice de toutes les parties prenantes (Etat, acteurs privés
étrangers mais aussi locaux, consommateurs ou de manière plus large, citoyens des
villes et surtout des campagnes) et de mettre en place un environnement propice à
l’éclosion d’une industrie locale forte, innovatrice, pourvoyeuse de croissance et
créatrice d’emploi.
Introduction
Le communiqué du conseil des Ministres en date du 7 mars 2013 me sert de prétexte
pour rédiger cette note sur l’accueil d’un nouvel acteur dans le secteur des
télécommunications au Sénégal. En effet, dans le document rendu public, il est
mentionné que « le Chef de l’Etat a instruit le Gouvernement de prendre les
dispositions pratiques, notamment la préparation d’un cahier de charges, en vue de
l’arrivée d’un 4ème opérateur sur le marché de téléphonie ». Cette annonce a été faite
sans autre précision sur la date de lancement du processus.
En réalité, cette décision n’est pas une surprise. Depuis plusieurs mois, quelques
signaux montraient une agitation autour de la question du placement d’une nouvelle
licence. Aujourd’hui, la décision est officielle. Le processus est en marche.
Les premières réactions, notées sur Internet et dans quelques journaux de la place,
sont plutôt défavorables. Les questions les plus récurrentes portent sur la finalité de
l’opération. Sans doute, une certaine déception sur la qualité médiocre offerte aux
utilisateurs, une assistance à la clientèle aux abonnés absents ainsi que les prix
onéreux de quelques services de surcroît défaillants, en particulier Internet, ne sont
pas étrangers à ces positions.
La démarche proposée ici est tout autre. La décision est prise : il y aura un nouvel
opérateur de téléphonie. Il s’agit alors, de tout mettre en oeuvre pour que l’accueil se
passe dans les meilleures conditions, aussi bien pour le nouvel entrant que pour les
opérateurs déjà présents sur le secteur des télécommunications. L’intérêt d’une telle
opération consiste, à définir, à partir du diagnostic de la situation actuelle, les
réformes à entreprendre pour permettre, d’une part, au Sénégal de tirer le meilleur
profit technique et financier de l’attribution d’une nouvelle licence de
télécommunications et d’autre part, de remettre ce secteur hautement stratégique
dans une nouvelle dynamique de croissance et de développement, au bénéfice de
tous.
A cet effet, l’analyse que nous effectuons se compose de trois parties. En premier lieu,
nous essayerons de cerner la dynamique d’évolution du secteur des
télécommunications ces dernières années. Ensuite, nous tenterons d’identifier les
préalables nécessaires à l’attribution d’une nouvelle licence. Enfin, nous nous
évertuerons à faire une projection sur les perspectives de ce secteur.
1. Tendances du secteur des télécommunications
Activité à fort potentiel de croissance et de valeur ajoutée, les télécommunications
ont largement contribué au développement économique et social du Sénégal. Ces
dernières années, le champ contributif du secteur s’est élargi à d’autres horizons,
notamment à la gouvernance et à l’environnement. Aujourd’hui, le secteur des
télécommunications peut être qualifiée, sans contestation aucune, d’une mamelle de
l’économie sénégalaise, tant sa place dans le processus de création de la richesse
nationale est devenue prépondérante au cours de la dernière décennie. En atteste, si
besoin en était, son poids dans la formation du PIB dans les années 2008 et 2009,
lorsque les économies mondiale, sous régionale et nationale étaient frappées de plein
fouet par les répercussions de la crise financière et économique mondiale.
Malgré cette situation globale satisfaisante, le secteur des télécommunications montre
des signes « d’essoufflement » et présente, aux yeux de nombreux spécialistes,
quelques raisons d’inquiétudes.
1.1 Les signes d’essoufflement
1.1.1. Une faible croissance du chiffre d’affaires
Doté d’un grand dynamisme, le secteur des télécommunications peine ces dernières
années à afficher des taux de croissance à deux chiffres. Faut-il le rappeler, au
moment de procéder à la libéralisation totale du secteur des télécommunications en
2004, la croissance du chiffre d’affaires du secteur – de l’ordre de 23% - était presque
quatre (4) fois supérieure à celle du Produit intérieur brut (PIB) évaluée à près de 6%.
Aujourd’hui, presque dix (10) années plus tard, au moment d’introduire un nouvel
acteur, le secteur affiche une croissance relativement faible compte tenu de son
potentiel (5,9% en moyenne sur les cinq dernières années) et légèrement supérieure à
celle du PIB sur la même période (3,5%). Ces résultats, loin d’être satisfaisants,
contrastent fortement, d’une part avec le potentiel du secteur et, d’autre part avec les
prévisions des experts dans le cadre des travaux relatifs à la Stratégie de Croissance
Accélérée. En effet, tenant compte d’un ensemble cohérent d’éléments, le Sénégal
avait affiché l’ambition lors de l’élaboration de la SCA en 2006, d’aboutir à une
croissance à deux chiffres pour le secteur des télécommunications [1].
1.1.2. Une tendance baissière du poids dans l’économie
Longtemps considéré comme l’un des secteurs les plus dynamiques du tertiaire au
point d’en faire l’une des grappes porteuses de croissance devant amorcer
l’émergence de l’économie sénégalaise, les télécommunications ont marqué le pas ces
trois dernières années. Alors que dans les différentes politiques du gouvernement (SCA [2] et Lettre de Politique Sectorielle des télécommunications [3]) la volonté affichée
est d’accroître le poids du secteur dans l’économie, la tendance observée est tout
autre. On note « une décélération [4] du secteur des télécommunications ces dernières
années à une baisse progressive de son poids dans l’économie nationale ». Des
publications [5] de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD),
il apparaît que de 7% du PIB en 2009, le poids du secteur est graduellement passé à
6,7% en 2010, 6,5% en 2011. ll serait projeté à 6,2% du PIB en 2012.
1.1.3. Un net recul du niveau général d’investissement
Secteur à forte intensité capitalistique, les investissements dans les
télécommunications sont sources de développement des infrastructures et gages de
modernité, d’innovation et de performance. Depuis 2004, chaque année, en moyenne,
au moins vingt pour cent (20%) du chiffre d’affaires réalisé par les opérateurs étaient
annuellement consacrés aux dépenses d’investissement. En 2011 et 2012, ce taux a
brutalement chuté pour tourner autour de 8%. Face aux nouveaux défis qui ont
principalement pour noms économie numérique, maillage du territoire, couverture et
accès pour tous, services innovants avec une garantie de qualité de service, baisse des
coûts, Internet haut débit, etc., cette baisse drastique du niveau d’investissement est
source d’inquiétude. Il est évident que si pareille situation venait à perdurer, les
conséquences seraient dommages pour le Sénégal dans sa marche vers le rendez-vous
du numérique.
1.2 Les raisons d’inquiétudes
1.2.1 Une absence de vision
Depuis 2008, année qui coïncide en principe avec la fin de la dernière Lettre de
Politique Sectorielle (LPS), le secteur des télécommunications souffre d’une absence
de vision. Malgré plusieurs tentatives et autant de projets, aucun nouveau texte n’est
venu sanctionner la réflexion. Année après année, « le document est dans le circuit »
fût la réponse servie aux impatients qui s’inquiétaient du retard accusé. Cinq (5) ans
après, « les différentes étapes nécessaires à sa publication n’ont pas encore été
franchies ». Bien qu’il soit vrai que dans le cadre de la SCA, une vision a toutefois été
déclinée sans avoir la portée et la dimension d’une LPS. En effet, la stratégie
sectorielle, outre la fixation des perspectives de développement du secteur, décline
sur un horizon temporel donné les orientations générales en termes de mesures de régulation [6], de mesures de libéralisation [7], est une urgence dans la mesure où elle
donne un signal et une marche à suivre à toutes les parties prenantes.
1.2.2 Un cadre juridique rigide et contraignant, obstacle à l’innovation et à la
concurrence
Le cadre juridique de 2001 et celui de 2011 n’ont pas favorablement accompagné la
libéralisation du secteur des télécommunications. En effet, la rigidité des différents
régimes juridiques et la lecture stricte des textes ont quelques fois freiné l’ardeur et le
volontarisme de certains acteurs soucieux de promouvoir des services innovants et
souvent empêché d’autres qui avaient manifesté la volonté de déployer des
technologies alternatives. Les limites du cadre juridique, associées à une certaine
frilosité, ont aussi été un facteur bloquant pour la mise en oeuvre des leviers de
régulation. A plusieurs reprises, des tentatives d’introduction d’outils de
renforcement de la concurrence ont connu de farouches résistances sous « le couvert
des textes juridiques ». Les conséquences les plus dramatiques se sont fait durement
et durablement ressentir sur les différents segments de la chaîne de valeur de
l’Internet mais également sur le mobile malgré le dynamisme apparent affiché de ce
marché. Pour de grandes avancées dans le secteur, il faut réformer le code des
télécommunications, alléger les régimes juridiques et donner plus de libertés aux
acteurs, autres que ceux exploitant un réseau de télécommunications ouvert au
public. Ce n’est qu’à ce titre qu’il y aura sur le marché de nouveaux acteurs
dynamiques, de l’innovation et peut être les retombées attendues de la libéralisation.
1.2.3 Un service universel en situation d’attente
Considéré comme un levier d’actions [8] prioritaires dans la mise en oeuvre de la
politique de développement du secteur des télécommunications pour la période
2004-2008, la stratégie de développement du service universel, pourtant élaborée en
2004, n’a jamais été mise en oeuvre au Sénégal. La problématique du service universel
demeure donc intacte et d’actualité. Certes, des avancées sont notées, principalement
dans le domaine de la vulgarisation du mobile, cependant, les objectifs de
développement social en particulier l’accès public rural et l’accès urbain ainsi que les
objectifs de développement économique portant sur les projets de développement en
rapport avec les objectifs spécifiques de l’Etat en matière d’universalité et de
croissance économique sont toujours en attente. L’impression qui se dégage, c’est que
ces questions sont laissées à l’initiative du privé, en particulier les opérateurs titulaires de licences dont la vocation est tout autre et sans doute trop éloignée des
questions d’universalité des services.
Pour résumer cette première partie, nous dirons que le secteur des
télécommunications affiche globalement des résultats positifs. Il tient une place
importante dans le système économique et social sénégalais. Cependant, la
tendance de ces dernières années montre quelques signes d’inquiétudes. Des
actions doivent nécessairement être menées, pour redresser la barre, et replacer ce
secteur hautement stratégique, dans une nouvelle dynamique de croissance et de
développement, cette fois-ci, profitable à tous, gouvernement, sociétés privées,
consommateurs.
2. Valorisation de la prochaine licence de télécommunications
Au vu de la dynamique d’évolution du secteur des télécommunications et en prélude
à l’arrivée prochaine d’un nouvel acteur, il semble qu’il soit arrivé le moment
d’opérer quelques réformes dans ce secteur. Comme déjà annoncé, il est
incontestable que le potentiel du secteur est énorme. Il est tout aussi incontestable
que les défis sont nombreux et complexes.
Relever les défis consiste en un double objectif :
- Premièrement, il s’agit de décliner une nouvelle feuille de route et de nouvelles
perspectives pour le secteur ; - Deuxièmement, il importe de préparer l’arrivée déjà annoncée d’un nouvel opérateur
en profitant de l’occasion pour régler certains problèmes et replacer le secteur dans
une nouvelle dynamique de développement.
En réalité, le second objectif est un sous-objectif du premier qui correspond à un
véritable challenge. L’attribution d’une licence n’est, en définitive, qu’un instrument
pouvant permettre d’atteindre un objectif.
Dans cette perspective, il semble important, sans toutefois prétendre qu’elles sont les
seules susceptibles de transformer en profondeur le secteur, que les actions ci-après
soient envisagées et que pour chacune d’entre elles, une concertation soit organisée
afin de dégager des solutions discutées et consensuelles. La plupart de ces actions
peuvent avoir un fort impact sur l’indice de confiance donc sur les investissements,
sur la visibilité, les conditions d’exercice de la concurrence ainsi que la baisse des
tarifs.
2.1 Publier une nouvelle lettre de politique sectorielle
En 2005, le gouvernement du Sénégal a édicté une lettre de politique sectorielle (LPS)
pour le développement du secteur des télécommunications pour la période 2004-2008.
Cette note traduisait la volonté du gouvernement d’accompagner le développement
de ce secteur, pour faire de ce dernier un vecteur majeur de développement
économique et social du pays, tout en assurant aux opérateurs de
télécommunications et aux différents acteurs une visibilité à l’horizon 2008 sur les
conditions dans lesquelles la réalisation des objectifs fixés allait être conduite.
Les orientations générales retenues préconisaient la poursuite du processus de
libéralisation et de développement du marché. Au terme prévu par la LPS, le secteur
a enregistré l’arrivée d’un nouvel opérateur, seul changement majeur intervenu.
Disons-le clairement, la LPS de 2005 a manqué d’ambition et l’encadrement prôné n’a
pu faire cheminer le secteur des télécommunications vers un développement
harmonieux, profitable à tous.
Depuis fin 2008 et jusqu’à présent, donc cinq (5) ans après, aucune LPS n’est publiée
aux fins de décliner une nouvelle vision du gouvernement et la traduire en objectifs
précis. Une nouvelle lettre donnerait un signal à toutes les parties prenantes en
mettant en exergue les priorités du gouvernement sur les quatre/cinq (4/5)
prochaines années. Elle devra définir, après un diagnostic du secteur, des mesures de
régulation précises et des mesures de libéralisation nettes. Pour garantir leur mise en
oeuvre effective et efficace, la plupart de ces mesures devront être consignées dans un
horizon temporel défini comme cela se fait dans beaucoup de pays. Répétons-le à
nouveau, le potentiel du secteur reste important. Sa prise en charge s’avère urgente.
L’adoption d’un calendrier réaliste de poursuite de la libéralisation garantissant la
sauvegarde des acquis du secteur et permettant une concurrence saine et loyale entre
acteurs viable, demeure nécessaire.
2.2 Réaménager le spectre des fréquences
Les fréquences, ressources dites économiquement rares et épuisables, ne peuvent être
produites. En outre, elles constituent un bien hétérogène, la valeur d’usage étant
différente d’une bande de fréquences à une autre. En effet, les fréquences dites
« basses » (en dessous de 1GHz) ont une valeur d’usage supérieure à celle des
fréquences hautes car leurs propriétés de propagation permettent une couverture du
territoire moins coûteuse dans les zones peu denses et une meilleure pénétration
dans les bâtiments dans les zones urbaines. Bien public, pour gérer dans les
meilleures conditions la rareté et l’hétérogénéité du spectre hertzien, il convient
d’allouer les ressources spectrales de la manière la plus dynamique possible car l’innovation et le progrès technologique qui animent le secteur des
télécommunications et la croissance rapide des marchés, transforment et
renouvellent la gamme d’utilisation du spectre. Certaines technologies sont appelées
à décliner au fil du temps alors que d’autres émergent ou se développent.
Partant de ces constats et tenant compte du fait que le spectre de fréquences fait
partie du domaine public de l’Etat, la préoccupation majeure consiste à optimiser la
gestion de cette ressource publique, tant du point de vue technique que du point de
vue économique, sachant que le spectre de fréquences est la principale ressource sur
laquelle va porter les enjeux futurs de concurrence du secteur des
télécommunications. C’est dans un esprit de transparence, d’objectivité et de nondiscrimination
et avec le souci de meilleure efficacité spectrale possible que doivent
se délivrer les autorisations pour utiliser cette partie du domaine inaliénable de
l’Etat.
La question centrale est comment procéder pour accueillir un nouvel acteur ? De
quelles ressources doit-il disposer pour trouver un espace économique suffisant pour
le développement de ses activités ?
Le haut débit mobile s’inscrit aujourd’hui dans la lignée vertueuse des succès de la
téléphonie mobile et du haut débit résidentiel. Anticiper cette réussite possible c’est
mettre en place des conditions favorables au développement de nouveaux services,
dans le respect d’un accès équitable au spectre.
Sous ce rapport, il doit être sérieusement envisagé un réaménagement du spectre de
fréquences, d’une part pour rééquilibrer les ressources attribuées aux opérateurs et
d’autre part, pour prévoir l’accueil très probable d’un quatrième opérateur de
télécommunications sur le marché des télécommunications. A cet effet, il peut être
envisagé la mise en place d’un fonds de réaménagement du spectre dont les
modalités de création, d’alimentation, de fonctionnement seront discutées entre les
parties prenantes sous l’égide du régulateur.
Une des options possibles est de procéder à une redistribution des canaux 900 de
façon équitable en trois ou quatre lots suivant le schéma retenu d’attribution de la
quatrième licence (4ème opérateur) et de libérer les ressources du dividende
numérique aujourd’hui occupées dans la bande des 800 MHz et par la même
occasion, récupérer celles attribuées aux réseaux MMDS dans la bande des 2,6 GHz.
Le cadre juridique actuel prévoit la possibilité de réaménagement, les mécanismes de
prise en charge des coûts y afférents et agite l’idée d’un fonds de réaménagement du
spectre pour la prise en charge de cette opération.
2.3 Définir les conditions de partage des infrastructures
Le partage des infrastructures est une condition importante pouvant permettre de
créer un environnement propice à la concurrence. Il peut efficacement contribuer au
développement et au déploiement rapide des réseaux, en réduisant les
investissements redondants. Il est aujourd’hui nécessaire de procéder à une
clarification des obligations y afférentes, tant techniques que tarifaires, et qui
tiendrait notamment compte de la catégorie de l’infrastructure partagée (fourreaux,
fibre noire, accès…) de la zone considérée et de l’ancienneté de l’infrastructure. Tous
les acteurs titulaires d’infrastructures et non plus seulement ceux qui sont déclarés
« puissants » devront être tenus de publier régulièrement un catalogue précisant les
modalités opérationnelles et tarifaires et comportant des engagements de résultats
et des pénalités pour les retards de réalisation.
Aussi, dans l’optique de la nouvelle licence, la clarification des conditions de partage
des infrastructures permettrait au nouvel entrant, de contracter plus facilement avec
les opérateurs présents sur le marché pour l’utilisation des infrastructures existantes
à des conditions connues d’avance, de réduire les coûts et de raccourcir le délai de
lancement de son offre commerciale. Sans que cela ne le décharge pas de déployer sa
propre infrastructure. Dans la pratique, la difficulté consiste à trouver le bon
compromis qui rassure les opérateurs qui ont consenti des investissements et qui
permet aux autres de pouvoir utiliser ces infrastructures de télécommunications.
2.4 Mettre en oeuvre le roaming national
Imperceptible pour un abonné, le roaming national peut se définir comme la faculté
d’un abonné d’un opérateur de réseau mobile à utiliser les services de téléphonie
mobile (voix et/ou données) des différents réseaux autres que le sien au fur et à
mesure de ses déplacements.
Il peut être envisagé qu’un nouvel opérateur ne déploiera pas totalement un réseau
en propre avant le lancement de son offre commerciale. Le recours à des accords de
roaming avec les opérateurs titulaires de réseaux est une des possibilités qui s’offre
alors à lui. Alors, il serait opportun de mettre en oeuvre une telle mesure et, le cas
échéant, d’en préciser les modalités.
Aussi, dans la perspective d’une meilleure couverture du territoire national en
services de télécommunications, la mise en oeuvre du roaming national entre les
opérateurs de réseaux ouverts au public pourrait considérablement aider à prendre
en charge les multiples « zones blanches » et éviter ainsi les multiples interruptions
de communications constatées le long des axes routiers et dans certaines parties du
pays et augmenter la couverture du territoire national par des accords de
complémentarité.
2.5 Mettre en oeuvre la portabilité des numéros
La portabilité – possibilité pour un abonné de conserver son numéro de téléphone en
cas de changement d’opérateur- constitue un important levier de stimulation de la
concurrence notamment dans le segment de la téléphonie mobile. Aujourd’hui, la
pénétration des services mobiles pour la voix est très élevée, en constante hausse et
l’ARPU [9] faible, en constante baisse [10]. D’ici à l’attribution de la nouvelle licence de
téléphonie ces deux indicateurs connaitront sans doute des évolutions : le taux de
pénétration se rapprochera des 100% même s’il faut légèrement le corriger par le
phénomène du multi Sim et le taux de résiliation qui tourne autour de 10%. L’ARPU
connaitra une baisse, ce qui est dans l’ordre normal des choses. Ce ne sont là que les
caractéristiques d’un marché en pleine maturité.
L’accueil d’un nouvel entrant dans cette situation de marché posera le défi de
l’attractivité : comment préparer au mieux son accueil en faisant jouer pleinement le
jeu de la concurrence ? Il me semble l’effectivité de la portabilité des numéros avant
l’attribution d’une nouvelle licence permettra au nouvel acteur de pouvoir, grâce à
une offre diversifiée, recruter des abonnés parmi les utilisateurs des services de
téléphonie mobile. Outre la redynamisation du segment de la téléphonie mobile, la
possibilité de « porter » des numéros mobiles aura comme conséquence la
revalorisation du marché des télécommunications et un impact positif sur la valeur
de la licence.
3. Perspectives pour le secteur des télécommunications
Dans le but d’assurer une nouvelle dynamique de croissance du marché et agir
contre la fracture numérique, tout en assurant la visibilité pour tous les acteurs,
actuels et potentiels, il semble important que le Sénégal mette en oeuvre des
orientations générales pour le développement du secteur des télécommunications
qui visent :
3.1 La révision du cadre législatif et réglementaire
L’amorce d’une nouvelle dynamique nécessitera l’adaptation rapide du cadre
législatif et réglementaire régissant le secteur des télécommunications et encadrant
d’autres domaines tels que l’occupation du domaine public, l’aménagement du
territoire ou l’urbanisme. Bien que des avancées soient notées en 2011, le cadre actuel
inhibe les innovations et limite les ambitions. Il semble important de réviser le cadre
juridique et d’inclure notamment des dispositions particulières suivantes :
- l’obligation de partage des infrastructures et la clarification des obligations
relatives au partage des infrastructures et aux conditions de sa mise en
oeuvre ; - la refonte des régimes juridiques régissant l’exploitation des réseaux et
services afin d’introduire plus de souplesse à l’entrée et modifier les droits et
obligations des opérateurs en fonction des activités ; - la modification des règles de gestion des fréquences et la possibilité
d’assigner des ressources spectrales aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ; - l’introduction d’un régime graduel de sanctions, notamment pécuniaires,
applicables en cas de non-respect par les opérateurs de leurs engagements ou
des textes en vigueur, etc…
3.2 Le développement de l’Internet très haut débit
La disponibilité d’une infrastructure très haut débit participe de manière significative
au développement économique et social des pays. Le Sénégal, qui a fait le choix de
faire des télécommunications/TIC un secteur porteur de développement de son
économie, doit se doter d’un plan d’action national pour l’accès au très haut débit.
Aussi, le gouvernement identifiera les moyens de financement (public, privé, …)
pour le déploiement des infrastructures pour le haut débit et s’attèlera à la nécessité
d’une concurrence dans les services fixes. Ces derniers pour lesquels l’attente des
entreprises est la plus forte, sont non seulement très structurants dans l’amélioration
de la compétitivité de l’entreprise sénégalaise dans un monde globalisé mais aussi
parce que l’offre y afférente est souvent un critère important pour un investisseur
étranger dans sa décision du pays d’accueil. De surcroît, le développement de
l’Internet et de la société de l’information, enjeu majeur pour l’avenir, passe
nécessairement par le développement d’une infrastructure fixe et des services haut et
très haut débit, notamment à travers le dégroupage.
3.3 Le service universel et la lutte contre la fracture numérique
Le service universel reste aujourd’hui encore, au Sénégal, une équation à résoudre.
Cependant, compte tenu des grandes avancées dans les services mobiles, il semble
important d’élargir la définition du service universel pour y inclure la fourniture de
services Internet avec un débit relativement important. Aujourd’hui, il est important
de comprendre que la fracture numérique concerne désormais l’accès, l’usage et le
contenu. L’accès à des contenus autres que la voix (données, images, etc…)
nécessitera des débits de plus en plus importants et a pour corollaire le renforcement
des infrastructures fixes (principalement à base de fibre optique) à même de garantir
la disponibilité d’offres dans des conditions de qualité de service à la hauteur des
attentes des consommateurs et des entreprises. A cet effet, il s’agira de décliner une véritable stratégie avec des lignes directrices claires, ainsi que les projets et objectifs
pratiques en matière de service universel.
3.4 La promotion d’une industrie locale
Le développement du secteur devra s’accompagner pour les prochaines années par
la création des conditions d’émergence d’acteurs locaux, notamment petites et
moyennes entreprises (PME), jusque-là, ne prenant quasiment pas part aux
principales activités du secteur des télécommunications. Leur donner la possibilité et
les moyens de participer permettra de relever de nombreux défis : transfert de
technologies, développement d’une expertise locale, création d’entreprises avec un
impact considérable sur l’emploi. Il est évident que le développement du secteur doit
se faire avec les grands opérateurs comme leaders accompagnés d’une véritable
industrie locale, forte, dynamique et innovante avec comme corollaire une main
d’oeuvre de haut niveau et en nombre suffisant. Il appartient de voir dans la
prochaine LPS les modalités pratiques d’atteindre cet objectif.
Ousmane Ndiaye
Cadre en activité dans les télécommunications
ndiaye_ous@hotmail.com
[1] Voir les différents documents sur la grappe TIC de la SCA.
[2] Dans le cadre de la SCA, l’objectif affiché consistait à faire passer la contribution au PIB de 7% en 2006 à 15%
en 2015.
[3] Pour la LPS 2004‐2008, même si un objectif chiffré n’a pas été décliné, il est mentionné que l’objectif est
d’ « accroitre la contribution du secteur dans le PIB pour le promouvoir comme secteur essentiel pour le
développement d’une économie compétitive et ouverte ».
[4] Situation Economique et Sociale du Sénégal ‐ Edition 2011 – ANSD ‐ Février 2013 et Situation Economique et
Sociale du Sénégal ‐ Année 2010 – ANSD – Décembre 2011.
[5] Note d’analyse des Comptes Nationaux du Sénégal – ANSD – Novembre 2012.
[6] Ces mesures visent l’intensification et le renforcement de la concurrence sur les différents segments de
marché ainsi que la mise en place des conditions pour le déploiement pratique des leviers de régulation prévus.
[7] Ces mesures ouvrent une nouvelle phase de libéralisation qui pourrait être axée autour du développement
des infrastructures pour l’Internet et le très haut débit ainsi que l’introduction de nouvelles technologies.
[8] Lettre de Politique Sectorielle des télécommunications 2004‐2008 publiée par le gouvernement en Janvier
2005
[9] ARPU : Average Revenue Per User est le revenu mensuel ou annuel moyen par abonné.
[10] En 2012, l’opérateur leader au Sénégal dans son rapport annuel l’évalue à 3 327 F CFA/ mois pour le
prépayé. Il était de 3.695 F CFA en 2011 et 4 250 F CFA en 2010.