Après une suprême domination de l’opérateur historique depuis plusieurs années, le secteur des télécommunications au Sénégal devrait connaître des bouleversements majeurs en 2013, ce qui devrait profiter in fine au consommateur. En effet, plusieurs faits nouveaux nous poussent à penser que 2013 sera sans doute une grande cuvée pour le secteur télécoms au Sénégal qui, il faut le dire, est depuis plusieurs années dans une léthargie marquée par un manque criard de concurrence.
Tout d’abord, notons la nouvelle démarche de l’Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) qui a déclaré souhaiter se démarquer de ce qui s’est fait avec le dernier régime avec son lot de scandales. Une meilleure régulation devrait amener l’ARTP à prendre des décisions telles que la mise en place d’un cadre réglementaire permettant la mise en œuvre de certains leviers de régulation qui sont indispensables à un accroissement pérenne du niveau de concurrence sur le marché .Parmi ces leviers de régulation nous pourrons retrouver le dégroupage de la boucle de cuivre de la SONATEL qui permettra à TIGO et EXPRESSO d’installer leurs DSLAMs au niveau des centraux téléphoniques de la SONATEL afin d’ offrir ainsi des services xDSL. Il y a aussi la sélection du transporteur qui permet à un client de SONATEL d’appeler vers le national ou l’international en passant par TIGO ou EXPRESSO tout en gardant sa ligne fixe de SONATEL. La portabilité des numéros serait aussi un levier que pourrait actionner le régulateur pour permettre aux clients de changer d’opérateur mobile ou fixe tout en gardant leur numéro d’appel. En plus de ces trois leviers, l’ARTP pourrait aussi être amené à réglementer la manière dont doit se faire les promotions comme c’est le cas dans plusieurs pays dont le Kenya, le Nigeria, le Maroc, l’Algérie. Ceci permettrait au client de mieux se retrouver dans cette pléthore de promotions mais aussi et surtout d’avoir une idée exacte du prix réel de la minute de communication. Plusieurs régulateurs se sont dit que s’il existe un nombre trop élevé de promotions, cela voudrait quelque part dire que le tarif officiel de la minute de communication pourrait être ramené à la baisse.
TIGO et sa licence globale
La nouvelle licence globale de TIGO devrait également lui permettre de résorber son retard accusé ces dernières années. L’incertitude occasionnée par son conflit avec l’Etat de Sénégal qui durait depuis 2001 a privé l’opérateur d’investissements corrects sur le réseau mais aussi d’une licence 3G au moment où ses deux concurrents l’ont depuis plus de deux ans. Dans les prochains mois, TIGO devrait se lancer pleinement dans les services supportés par la 3G tels que le haut débit mobile et la TV sur mobile. Absent jusque là du marché du Mobile Banking, TIGO ne devrait pas tarder à lancer un service concurrent à ORANGE Money dénommé TIGO Cash comme cela a déjà été le cas dans plusieurs pays africain où le « Luxembourgeois » opère. Ceci devrait mécaniquement ramenait les prix de détails de ces services à la baisse. Cette nouvelle licence devrait permettre à TIGO de retrouver voir même de dépasser la barre des 30% de parts de marché, rappelons que TIGO est repassé en dessous de la barre des 30% suite à l’arrivée de EXPRESSO. Dans le périmètre de cette licence globale se trouve aussi le marché Entreprise dominé largement par la SONATEL et sa Filiale ORANGE Business Services. Grâce à un réseau de fibre optique assez maillé, TIGO devrait pouvoir prendre plus de parts sur ce segment de marché très lucratif notamment sur tout ce qui concerne les transferts de données (Liaisons louées) nationaux et internationaux.
EXPRESSO et son câble
Avec un peu plus de 10% de part de marché deux années après le lancement de ses services, il faut se dire que la filiale du soudanais SUDATEL n’a pas vraiment secoué le marché du mobile au Sénégal. EXPRESSO a plus fait de mal à TIGO qu’à ORANGE qui garde toujours une part de marché confortable et inespérée de plus de 60%. Après plusieurs errements au lancement tel que l’option pour la technologie CDMA, EXPRESSO a fait ce qu’on pourrait qualifier de faux départ dans son aventure sénégalaise avec des offres qui ne correspondaient pas vraiment aux attentes des sénégalais. Consciente de cela, la maison mère à fait revenir M. Emmanuel Hamez qui fut pourtant responsable du lancement pour le moins catastrophique de EXPRESSO au Sénégal. Depuis son retour du Ghana, nous avons, à notre grande surprise, noté du renouveau dans les offres de EXPRESSO et nous en voulons pour preuve la commercialisation de l’IPAD Mini et de l’Iphone 5 durant les fêtes de fin d’année ainsi que l’avènement d’offres d’abondance pour la voix et la data. Sa récente participation au financement du câble sous marin ACE, qui lui permet désormais de ne plus passer par la SONATEL pour aller sur l’international, devrait permettre à EXPRESSO de mieux concurrencer la SONATEL sur le marché des liaisons louées internationales mais aussi de disposer de sa propre bande passante internet lui permettant, peut être, de réduire ses tarifs de détail d’accès à Internet. Après une série de recrutement de hauts cadres, notamment chez l’opérateur historique, EXPRESSO affiche clairement ses ambitions de devenir un des acteurs clés de ce marché sénégalais des télécommunications.
Orange encore et toujours
La dominance de la SONATEL ORANGE (Fixe, Mobile Internet) sur le marché des télécommunications au Sénégal ne doit finalement sa longévité qu’à la léthargie de l’ARTP et de ces deux concurrents d’Orange qui sont TIGO et EXPRESSO Sénégal. Vu la forte probabilité d’un réveil soudain de ces trois acteurs, 2013 risque d’être l’année qui verra un accroissement significatif de la concurrence et ainsi une amélioration de la démocratisation des produits et services de télécommunications au Sénégal.
Le modou-modou des télécoms
(Source : L’Afrique des télécoms, 11 janvier 2013)