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Thierno Ousmane SY, Conseiller du chef de l’Etat chargé des nouvelles technologies : Le troisiéme opérateur de téléphonie sera connu dans deux mois

samedi 9 avril 2005

L’Etat ayant fait sauter le monopole de la Sonatel sur le fixe ainsi que l’accès à l’international, un appel d’offres sera lancé dans deux mois, au plus tard. Mais, les soumissionnaires devront nécessairement être des opérateurs globaux, c’est-à-dire évoluant aussi bien dans le fixe, le mobile et l’informatique. Thierno Oumane Sy, le conseiller du chef de l’Etat chargé des nouvelles technologies, en parle dans l’entretien qui suit et annonce une rencontre avec les opérateurs pour discuter de l’utilisation de la technologie IP qui devrait, à terme, permettre la réduction du coût de revient des exploitants de télécentre. Une réduction qui aura des conséquences heureuses sur la facture des usagers. En outre, le Monsieur Ntic du palais de la République revient sur les désagréments constatés lors du Magal de Touba avec la saturation du réseau de la Sonatel, pour dire que les opérateurs de téléphonie mobile prendront toutes les dispositions pour éviter de telles déconvenues, à l’occasion du Gamou de Tivaouane. Au risque de se voir taper sur les doigts par l’Art. Parmi les composantes du fossé Nord-Sud, la fracture numérique fait figure de leitmotiv. Pourtant, Ousmane Sy appréhende de façon positive ce supposé handicap.

Wal Fadjri : Des désagréments ont été constatés sur le réseau de téléphonie mobile de la Sonatel lors du Magal de Touba. Quelles ont été les mesures prises par l’Etat, à travers l’Agence de régulation des télécommunications (Art), pour résoudre le problème ?

Thierno Ousmane Sy : On arrive en plein dans cette grande idée du président qui consiste à favoriser une meilleure compétition dans le secteur. Nous avons suivi avec regret ce qui s’est récemment passé à Touba, où toutes les communications mobiles étaient bloquées. J’ai d’ailleurs vu dans la presse que la Sonatel s’est excusée auprès du citoyen sénégalais. Mais ce que le citoyen ne sait pas, c’est que de manière régulière, la Sonatel rend des comptes à l’Agence de régulation des télécommunications (Art). A partir du moment où les problèmes ont commencé, l’organe de régulation a tout de suite saisi l’opérateur, en lui demandant des comptes de manière régulière jusqu’à la résolution du problème. La Sonatel a donc travaillé de manière très étroite avec l’Art. C’est pour protéger les citoyens lorsqu’il y a des incidents, pour que les désagréments ne durent pas. Peut-être que si l’Art n’avait pas été là, si elle n’avait pas mis la pression sur l’opérateur, l’incident aurait duré beaucoup plus longtemps. Mais nous devons aller plus loin, en faisant deux choses. La première, c’est la prévention. L’organe de régulation doit, lorsqu’il y a des événements de ce genre, se rapprocher de l’opérateur et essayer de voir les dispositions ad hoc qui doivent être prises pour y faire face. C’est ce que j’appellerai les actions immédiates. Mais il y a aussi des actions à moyen terme. C’est la concurrence. Lorsqu’un opérateur sait qu’il est en compétition avec un autre opérateur, il fait tout pour que son service soit le meilleur possible parce qu’il sait que lorsque cela ne marche pas, il perd le client. C’est dans ce cadre que le chef de l’Etat a demandé que les services compétents lancent rapidement sur le marché une nouvelle licence globale de télécommunications. Le président de la République souhaite qu’il y ait sur le marché un nouvel opérateur global, c’est-à-dire qui fasse du mobile, de la donnée, de l’Internet, du fixe et qui soit fort et en compétition avec les opérateurs de la place. Pour que les Sénégalais aient le choix, lorsqu’ils ne sont pas contents du service d’un opérateur, d’aller vers son concurrent. C’est comme cela que nous réussirons très vite à faire que les coûts de télécommunications baissent et que les Sénégalais aient le meilleur service possible.

Wal Fadjri : Que s’est-il réellement passé à Touba ?

Thierno Ousmane Sy : La Sonatel s’est déjà excusée dans la presse. Je ne vais pas en rajouter parce que je ne suis pas supposé en savoir plus que ce qu’ils en ont dit. Mais, c’est comme lorsque vous voulez faire passer de l’eau dans des tuyaux. Si la quantité du liquide dépasse de très loin la capacité des tuyaux, rien ne bouge. C’est à peu près ce à quoi on a assisté lors du Magal de Touba. En tout cas, l’Art va continuer son rôle de régulation, en mettant la pression sur les opérateurs pour qu’il n’y ait plus ce genre d’incident. Et de manière concomitante, la concurrence fera que de telles choses ne se reproduisent plus à l’avenir.

Wal Fadjri : Ne risque-t-on pas d’assister à de pareils désagréments lors du Gamou de Tivaouane ?

Thierno Ousmane Sy : Après ce qui s’est passé au Magal, les opérateurs de téléphonie mobile prendront toutes les dispositions pour éviter de telles déconvenues. Dans le ton des excuses de l’opérateur après le Magal - et je ne pense pas que cela soit simplement des excuses par politesse - on a pu déceler la ferme volonté de juguler ce problème. En outre, la Sonatel qui a une aura internationale, puisqu’elle a derrière elle France télécom, a un nom et une image à préserver. Et les agents de la Sonatel en sont parfaitement conscients. Qu’il y ait un petit incident, cela peut se comprendre s’il ne se reproduit pas. Par contre, s’il se reproduit, il y a de quoi s’inquiéter.

Wal Fadjri : Qu’adviendrait-il si la Sonatel récidive ?

Thierno Ousmane Sy : L’Art prendra ses responsabilités. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a un cahier des charges et les actes concrets de l’opérateur sur le terrain. Le rôle de l’Art est de mesurer la distance entre ces deux éléments. Pour ce faire, l’agence dispose de tout un arsenal juridique et réglementaire qui lui permet de concilier ces deux positions.

Wal Fadjri : L’arrivée d’un nouvel opérateur inquiète ceux qui sont déjà dans la place. L’Art jouera-t-elle aussi un rôle d’arbitre entre les différents opérateurs ?

Thierno Ousmane Sy : C’est une question à laquelle l’Art pourrait répondre de manière très précise. Ce que je peux dire, c’est que l’Art, en très peu de temps, a réussi à marquer son terrain. Les Sénégalais ont pu voir toutes les actions importantes que cette agence a menées. La baisse constante des coûts de télécommunication, le fait que des incidents comme celui de Touba puissent être résolus très vite en faisant pression sur l’opérateur. Il s’y ajoute que dans la loi sur les télécoms, un bon nombre de pouvoirs est logé au niveau de l’Art. Aussi l’Art bénéficie-t-elle d’un conseil de régulation dans lequel siègent des expertises venues de tous bords. Des expertises juridiques, techniques, en économie, en gestion... Tout ceci pour dire que l’Art a tous les moyens et en use pour réguler de manière parfaite le secteur. Lorsqu’il y aura un nouvel opérateur, elle aura à la fois plus de travail et moins de travail. Plus de travail dans le sens où elle devra gérer un nouvel opérateur et moins de travail parce que la compétition va faire de telle sorte qu’il y aura de fait une régulation naturelle. Et le régulateur ne sera alors là que pour protéger le citoyen. C’est dans cette direction que nous voulons aller aujourd’ hui.

Wal Fadjri : Avec l’arrivée d’un nouvel opérateur, n’y a-t-il pas de risque de voir l’offre dépasser largement la demande ?

Thierno Ousmane Sy : L’incident de Touba montre que ce n’est pas le cas. Il a démontré qu’il y a effectivement de la place pour un nouvel opérateur. En 2001, la Sonatel avait à peu près 400 000 abonnés pour la téléphonie mobile. Aujourd’hui, il en a 700 000. Sentel a entre 300 et 350 000 abonnés. Il y a deux ou trois ans, elle en avait à peu près 150 000. Il y a donc une croissance exponentielle. Le fait que Celtel, un groupe présent un peu partout en Afrique, ait été racheté pour 3,4 milliards de dollars montre que le secteur est en pleine expansion. Si vous regardez ces chiffres en extrapolant, cela veut dire que dans deux ans, il se peut que le nombre de Sénégalais qui auront un mobile, passe du simple au double. Il y a donc de la place. Il est vrai que tout cela fait un peu peur. Je disais déjà quelque part, pour rire, que lorsque vous avez deux femmes et que vous voulez en épouser une troisième, les deux premières se liguent entre elles pour vous dire qu’il n’y a pas de place dans la maison. C’est naturel. Par contre, nous avons observé que la libéralisation et l’entrée de nouveaux opérateurs fait exploser le chiffre d’affaires de l’opérateur historique et les opérateurs le savent. Ils sont un peu réticents au début, pour rester dans le confort du monopole, mais dès que celui-ci est déstabilisé, ils se reconfigurent. Cette reconfiguration fait qu’il y a plus de compétition, plus de chiffre d’affaires. Et c’est le citoyen qui gagne, l’opérateur y trouve son compte. Ce phénomène a été observé au Maroc. Maroc télécoms a fait un résultat impressionnant après l’arrivée d’un nouvel opérateur.

Wal Fadjri : Le secteur de la téléphonie fixe est-il également en voie de libéralisation ?

Thierno Ousmane Sy : Le monopole du fixe a déjà sauté, ainsi que le monopole sur l’accès à l’international. Depuis l’année dernière, le président de la République a donné des instructions en manifestant sa volonté de ne pas renouveler le monopole de la Sonatel. Aujourd’hui, la Sonatel se configure de manière à ce qu’un autre opérateur puisse bénéficier des services sur le fixe et l’accès à l’international. Toujours est-il que des experts travaillent là-dessus, et les appels d’offres seront lancés dans deux mois au plus tard. Les soumissionnaires devront nécessairement être des opérateurs globaux, c’est-à-dire évoluant aussi bien dans le fixe, le mobile et l’informatique.

Wal Fadjri : Est-il envisageable d’explorer la téléphonie via internet ? On sait que les cyber-centres sont demandeurs de tels services, mais l’Art leur impose de verser une caution assez rédhibitoire pour avoir le droit de développer la téléphonie sur voie IP, qui entraînerait pourtant des économies conséquentes pour l’usager.

Thierno Ousmane Sy : Vous faites référence à des technologies comme le logiciel Skype. En fait, vous avez deux sortes de réseaux. Il y a d’abord les réseaux classiques, qui utilisent les technologies classiques, et qui sont les réseaux qui ont été déployés par les opérateurs dans les années 90. Et puis, vous avez les opérateurs qui se sont déployés après, qui utilisent la technologie IP, qui fait appel à internet. La différence entre ces deux types de réseaux, c’est que vous n’avez pas les mêmes retours sur l’investissement. Les premiers réseaux sont des réseaux pour lesquels il faut un certain temps pour amortir les investissements. Et les seconds sont des réseaux qui vous rapportent de l’argent en un temps très court. Et cela pose une problématique d’Etat. Vous avez d’un côté un opérateur qui, en 1970, vient vous dire : "Je vais investir plusieurs centaines de millions de dollars pour faire le réseau de télécommunications. Mais pour que cet argent que j’investis puisse me rapporter, il faudrait que vous me laissiez un temps". Et l’Etat investit dans ce projet. Mais entre-temps, une nouvelle technologie arrive, qui est beaucoup moins chère et permet de faire la même chose. Or le temps sur lequel vous vous êtes engagé n’est pas encore terminé. Comment vous faites ? C’est cela tout le travail très subtil de l’Etat et des régulations.

Ce que nous voulons, c’est que les opérateurs aillent de plus en plus vers ces nouvelles technologies. Et l’intranet gouvernemental, c’est quelque part un clin d’œil aux opérateurs. Notre politique, c’est d’inciter les opérateurs à utiliser de plus en plus de nouvelles technologies. Ces technologies font que le coût de revient des télécommunications tend vers zéro, et c’est le citoyen qui y gagne. Skype en est un exemple. Mais du point de vue réglementaire, il n’y a pas encore l’arsenal qui permet de réguler cette problématique de la voie sur IP international. Mais nous avons une proposition, dont nous allons discuter avec les opérateurs : c’est qu’il faudrait que les télécentres gagnent plus d’argent et que la Sonatel aussi. Un "win-win" pour tout le monde. Et c’est possible.

Imaginez que les télécentres fonctionnent en voie sur IP, c’est-à-dire que la Sonatel dise : "Vous, les télécentres, vous faites x pour cent de mon chiffre d’affaires, donc je vais vous donner un traitement différent : à partir de maintenant, vous n’utiliserez plus les canaux classiques, je vais vous mettre en place un dispositif de voie sur IP ; vos coûts de revient vont être moins élevés, ce que je vais vous facturer aussi, donc ce que vous facturerez aux Sénégalais aussi". Voilà quelque chose d’intéressant ! De tout cela, nous allons discuter avec les opérateurs dans les semaines qui viennent. Quand tout ceci sera réglé, nous aurons réglé de manière définitive et transversale tous les problèmes que vous venez d’invoquer.

Wal Fadjri : En tant que conseiller du chef de l’Etat en charge des nouvelles technologies, vous êtes aussi chargé de gérer l’Agence de l’informatique de l’Etat. Or, on entend beaucoup parler d’intranet gouvernemental et de "e-gouvernement". Mais que recouvrent au juste ces notions ?

Thierno Ousmane Sy : En fait, le e-gouvernement est le programme qui s’illustre par un certain nombre de projets d’envergure, comme le projet de l’intranet gouvernemental. En janvier 2002, le président de la République avait signé un rapport officiel dans lequel il déclinait sa vision en un certain nombre d’actions bien identifiées, en vue de créer ce e-gouvernement. Le e-gouvernement, d’un pays à un autre, c’est en général plus ou moins la même chose. C’est l’interconnectivité des entités administratives, c’est l’ouverture vers le citoyen, etc. Ce sont des choses plus ou moins génériques. Mais au Sénégal, nous avons une spécificité qui est celle d’un pays en voie de développement. C’est pourquoi nous ne voulions pas simplement prendre les concepts et les calquer de manière brute.

Le président de la République a réfléchi sur la problématique et est arrivé à un constat : dans la plupart des pays en voie de développement, l’administration est au centre de tout, et le citoyen tourne autour de cette administration, avec tout ce que cela peut poser comme problèmes de congestion des flux économiques. Son ambition, c’est de faire en sorte que cette polarité-là soit très vite inversée, c’est-à-dire que le citoyen soit au centre des préoccupations de l’administration, et que ce soit l’administration qui tourne autour du citoyen, en l’accompagnant de manière journalière et permanente, dans sa recherche de services d’Etat, de santé, dans sa recherche d’éducation, dans sa sécurité, etc. C’est ce principe-là qui permet d’aller d’une polarité à l’autre. Et c’est ce que nous appelons le e-gouvernement, parce que nous utilisons les nouvelles technologies pour accélérer cette inversion. Le président de la République s’est donné les moyens institutionnels pour mener à bien ce programme. C’est pour cela que l’Agence de l’informatique de l’Etat (Adie) et l’Agence de régulation des télécommunications (Art) ont été créées, et qu’une nouvelle loi sur les télécommunications a été promulguée. C’est le cadre. Et ce cadre a donné des enfants : ce sont le grand programme informatique et le grand programme de télécommunications. Le grand programme informatique, c’est l’intranet gouvernemental : mettre de l’ordre dans nos données pour avoir de l’information (archivage numérique) ; mettre de l’ordre dans nos communications intra-administratives pour qu’elles soient efficaces et gratuites. Avant, quand on appelait un ministère à 100 mètres, on devait payer la Sonatel... Mais grâce à l’intranet gouvernemental dans le cadre du e-gouvernement, nous réussissons à régler toutes ces problématiques internes. Ensuite, dans un deuxième temps, nous allons nous ouvrir au citoyen, en lui donnant de la donnée et de l’information, et en interagissant avec lui. Voilà notre vision du e-gouvernement, et voilà comment nous avons l’intention de le mettre en œuvre.

Wal Fadjri : Désormais, le citoyen sera-t-il à même d’avoir des informations justes en cliquant sur la souris de son ordinateur, à partir d’un cyber-café ?

Thierno Ousmane Sy : Absolument. Lorsque le programme sera terminé, d’ici quelques semaines, les Sénégalais pourront, à partir de leur machine, chez eux ou dans un cyber-café, poser des questions à l’Etat, au lieu de se déplacer. Ainsi, vous n’aurez plus à quitter Kaolack le matin, venir à Dakar pour poser une question à un fonctionnaire - que vous aurez vu ou peut-être pas, car il est très occupé - et rentrer ensuite à Kaolack. Maintenant, grâce à l’intranet, vous rentrez dans un cyber à 100 mètres de chez vous à Kaolack, vous interrogez le ministère qui vous intéresse : comment dois-je faire pour avoir un passeport, pour avoir une carte d’identité, pour percevoir ma retraite, etc. Toutes les informations administratives génériques seront mises en ligne pour que ce soit l’information qui se déplace, et non plus le citoyen. Suivez un peu mon regard, et vous verrez que cela règle, d’une certaine façon, tous les problèmes liés à la mobilité urbaine.

Wal Fadjri : Au niveau des infrastructures, où en est-on ? Y a-t-il encore beaucoup à faire pour que l’ensemble du territoire soit concerné par cette avancée ?

Thierno Ousmane Sy : Au niveau des infrastructures, nous procédons en deux phases. La première phase consiste à couvrir la totalité de la ville de Dakar, c’est-à-dire l’ensemble de l’administration centrale. Cette partie-là a été terminée en un an. Nous avons déployé la fibre optique, nous avons déployé une antenne radio, qui interconnectent tous ces démembrements de l’administration qui se trouvent dans la zone de Dakar, jusqu’à Pikine. Dans un second temps, nous voudrions que ce réseau soit étendu aussi bien horizontalement que verticalement. L’extension horizontale implique que ce réseau aille jusqu’à Ziguinchor, Saint-Louis, Kaolack, Tambacounda, etc. Et l’extension verticale, que toutes nos préfectures, nos sous-préfectures et, éventuellement, certaines communautés rurales soient aussi connectées au réseau. Cela va permettre un meilleur échange et un meilleur partage de l’information, et ce de manière gratuite. Quand vous savez que vous pouvez communiquer de manière gratuite, vous avez plus envie de partager l’information, vous êtes en tout cas plus enclin à la partager, et vous êtes donc beaucoup plus efficace.

Wal Fadjri : L’intranet gouvernemental n’est-il pas aussi un moyen, pour l’autorité supérieure, "d’espionner" l’administration, en aval ?

Thierno Ousmane Sy : Ah ! (rires)... Non, l’intranet ne sert pas à cela. Et l’autorité centrale n’a pas besoin d’espionner l’administration. Aujourd’hui, l’administration partage avec l’autorité centrale toutes les informations qui transitent par elle. Et vice-versa. Nous sommes, je vous le rappelle, un pays de droit, avec une administration qui fonctionne très bien et dont nous sommes très fiers. Beaucoup de pays d’Afrique envoient des fonctionnaires pour voir comment fonctionne notre administration. Donc, ce n’est pas du tout cela le but du jeu. Au contraire, nous avons observé que nous avions une administration très performante, et qu’elle méritait de pouvoir bénéficier de cette nouvelle technologie pour être encore plus performante. Nous ne regardons pas dans le rétroviseur, nous regardons devant nous : comment faire pour être encore meilleurs... Et c’est cette administration, je le rappelle, qui s’est réunie et qui a produit l’intranet. Nous n’avons fait que coordonner ce qui a été pensé par les fonctionnaires. Chaque ministère a été représenté au Comité stratégique de l’intranet, tout comme la présidence de la République, et c’est de manière collégiale que cet intranet a été mis en œuvre. C’est donc plus une greffe positive qu’autre chose.

Wal Fadjri : Combien tout cela a-t-il coûté ?

Thierno Ousmane Sy : Nous avons mis en place toutes ces infrastructures avec le concours de la Banque mondiale et avec le budget consolidé de l’investissement, et cela nous a coûté un peu plus d’un milliard de francs Cfa. Il faut savoir que nous avons réussi à le faire avec très peu de fonds, car nous avons pris le temps de regarder toutes les nouvelles technologies disponibles. Si nous n’avions pas pris ce temps-là, nous aurions utilisé des technologies un peu obsolètes, et cela nous aurait coûté 12 milliards pour faire la même chose. Je vous donne un exemple : du temps d’avant l’alternance, il y avait un réseau voies et données qui avait été pensé, et ce réseau avait été évalué entre 4 et 6 milliards. Et cela ne permettait même pas de faire tous les services que nous faisons aujourd’hui. Cela ne veut pas dire que les techniciens d’alors voulaient dépenser trop d’argent, pas du tout ; cela veut dire qu’à cette époque-là, il n’y avait pas de technologie disponible aussi accessible qu’aujourd’hui, du point de vue financier et technique. L’enseignement à en tirer, c’est que la virginité technologique des pays africains n’est pas nécessairement une tare. Ça peut être un atout. Lorsque vous êtes technologiquement vierge, vous avez la possibilité de regarder tout ce qui est nouveau et tout ce qui est moins cher. Tandis que si vous avez déjà des infrastructures mises en place, lorsque vous voulez en changer ; vous devez penser à votre coût de mutation.

Wal Fadjri : Qu’en est-il de la rentabilité d’un tel investissement ?

Thierno Ousmane Sy : Nous investissons un milliard et quelques, et nous économisons 2 milliards, dès la première année de fonctionnement total. Calculez le taux de rentabilité interne : vous n’attendez même pas la première année pour avoir votre retour sur l’investissement total. Et c’est pour cela que la Banque mondiale nous a tout de suite suivi. Lorsque le Sénégal est allé à Washington pour expliquer à la Banque mondiale que nous voulions utiliser des fonds pour lancer un intranet gouvernemental, la Banque mondiale nous a répondu : "Oui mais... aucun pays n’a fait ça". Eux, ils aiment bien fonctionner en "success story", en "best case scenario" comme ils disent. Ils ont donc regardé dans leur base de données : cela n’existait pas. La Banque mondiale n’avait jamais été impliquée dans de tels projets gouvernementaux. Donc frileuse. Nous leur avons expliqué : "Voilà ce que nous payons en télécommunications chaque année ; si nous le faisons, dès la première année, non seulement nous économisons de l’argent, mais en plus nous en gagnons". Alors là, le banquier a commencé à s’intéresser à notre affaire, et a mis en place un dispositif, des équipes, des experts, etc. Ce retour sur l’investissement a été calculé par la Banque mondiale, et c’est pour cela qu’elle a soutenu le projet en amont et en aval, et qu’elle continue de travailler avec nous pour la phase d’extension. Et je sais que certains experts à la Banque mondiale travaillent avec d’autres pays et leur disent : "Regardez l’expérience sénégalaise&quot.

Wal Fadjri : Mais quel sera le coût de la phase d’extension ?

Thierno Ousmane Sy : Nous n’avons pas encore évalué la totalité de la phase d’extension, mais elle ne sera pas très onéreuse. Si nous ne l’avons pas évaluée, c’est parce qu’entre le moment où nous avons choisi nos technologies pour déployer la phase 1 et aujourd’hui, d’autres technologies sont disponibles, encore plus performantes et encore moins chères. Nous aurions pu prendre la décision de simplement répliquer ce que nous avons fait, et cela nous aurait coûté entre 2 et 3 milliards de francs Cfa. Mais nous avons dit : "Il y a des choses qui sont encore plus intéressantes, beaucoup moins chères ; prenons le temps de les regarder pendant quelques mois, et gagnons encore de l’argent !"

Wal Fadjri : Parlons un peu de la nouvelle loi sur les télécommunications...

Thierno Ousmane Sy : Après la mise en place de l’Art, il a été décidé que de manière concomitante, il fallait promulguer une nouvelle loi sur les télécom, qui en même temps allait consacrer l’installation de l’Art. Cette loi sur les télécom a abrogé la loi de 1996 qui était complètement obsolète. Entre 1996 et 2000-2001, il s’est passé tellement de choses dans le domaine des nouvelles technologies : toutes les problématiques de découpage, de licence, etc. Il fallait donc mettre à jour l’environnement réglementaire, juridique et institutionnel. C’est pour cela que cette loi a été promulguée. Elle comprend des définitions importantes qui stabilisent définitivement le secteur des télécom, en disant : "Voilà ce qu’est un groupe fermé d’utilisateurs, une licence, une autorisation, un agrément, etc." La loi sur les télécom, c’était la première étape permettant au secteur des télécommunications du Sénégal d’être bien vu par le secteur privé international, et d’être vu comme une destination d’investissements. Voilà pourquoi cette loi a été promulguée.

Propos recueillis par Amadou DIOUF et Fabien MOLLON (stagiaire)

(Source : Wal Fadjri, 9 avril 2005)

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