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Téléservices : les Français veulent tuer les centres d’appels

lundi 11 octobre 2004

Le Sénégal veut se positionner comme un des leaders dans le domaine des téléservices en Afrique francophone. Cette ambition est aujourd’hui fortement compromise par la volonté affichée par les autorités françaises de lutter contre les délocalisations.

Le Sénégal ne sera pas l’Inde. Dakar risque de ne pas être Bangalore, capitale indienne des téléservices. Le Sénégal risque de revoir ses ambitions à la baisse dans ce domaine. Et pour cause : le gouvernement français, principal marché d’exportation pour ce type de faveurs, a décidé de mener une lutte sans merci contre les délocalisations. Le développement des télé services repose sur un principe simple : grâce aux nouvelles technologies, il est maintenant possible de délocaliser bien des services dans des pays où la main d’ ?uvre est moins chère.

Beaucoup de pays en développement ont choisi de se positionner sur ce marché lucratif. Le gouvernement sénégalais a annoncé son intention de faire des téléservices un des moteurs de la croissance au cours des prochaines années.

Cette volonté se heurte à un mur : celui que dresse le gouvernement français. La question des délocalisations est aujourd’hui au centre du débat politique hexagonal. Le Premier ministre Jean Pierre Raffarin a annoncé ce 14 septembre 2004 une mobilisation nationale contre les délocalisations à l’issue d’un Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire.

Le puissant ministre de l’Economie et des Finances, M. Nicolas Sarkozy, par ailleurs probable futur président de l’Union pour la Majorité présidentielle (UMP) en a fait son cheval de bataille. Selon les estimations de l’Agence française pour les investissements internationaux, l’industrie française aurait perdu 100.000 emplois en 2003 à cause des délocalisations. Il faut dire que ce débat n’est pas seulement réservé aux Français. Aux Etats-Unis aussi il a fait rage au début de la campagne pour l’élection présidentielle.

Dans le cas de la France, les délocalisations concernent les pays d’Europe centrale et orientale pour l’industrie manufacturière et les pays comme le Maroc, la Tunisie et le Sénégal pour les industries légères et les téléservices. Le gouvernement Raffarin a choisi d’utiliser les grands moyens pour lutter contre le phénomène. Dans le cadre du budget 2005, le Premier ministre français a annoncé la création de pôles de compétitivité qui seront dotés d’une enveloppe globale de 750 millions d’euros au cours des trois prochaines années. Cette aide sera combinée avec des incitations fiscales qui feront de ces pôles de véritables zones franches. C’est donc une politique massive de subventions que la France compte mener pour lutter contre les délocalisations. Ces mesures auront un impact réel sur les échanges avec les pays africains et notamment le Sénégal dont la France est le premier client.

En attendant que ces mesures prévues dans le budget 2005 entrent en vigueur, la France va mettre une « stratégie de harcèlement » pour mettre fin aux velléités de délocalisation des services de télémarketing vers des pays comme le Maroc, la Tunisie ou le Sénégal. Les autorités françaises comptent s’appuyer sur la Loi française sur la protection des données fournies par les citoyens. Dans ce cadre, PCCI, la société leader dans ce domaine au Sénégal a été convoquée le mois dernier par la Commission nationale informatique et Libertés, en présence de son donneur d’ordres, Orange pour examiner la législation sénégalaise en matière de protection de données.

Orange pourrait se voir notifier une interdiction de sous-traiter l’exploitation de données fournies par des citoyens si le Sénégal ne dispose pas d’une législation en phase avec les normes européennes.

La Politique du Harcèlement

Cependant, c’est un arrêté pris par Sarkozy qui fait trembler les professionnels africains. Ce texte impose aux centres d’appel d’annoncer leur lieu de résidence à tous leurs correspondants. « Tout fournisseur de biens ou de services qui utilise les services d’un centre d’appels est tenu d’informer ses correspondants de la localisation géographique de ce centre d’appels » précise l’arrêté. Comme pour enfoncer le clou, le texte stipule aussi que « cette information doit être délivrée en début de communication et figurer sur tous les documents commerciaux et publicitaires mentionnant les coordonnées du centre d’appel et si l’entreprise a recours à des centres d’appels multiples et géographiquement distincts pouvant être joints soit par un seul numéro, leur liste doit figurer sur tous les documents mentionnant ces numéros.

 ». C’est en principe le 14 Octobre prochain que l’arrêté doit entrer en vigueur. Cela veut dire que le télé-opérateur opérant de Dakar sera obligé de dire au client français qu’il lui répond à partir de Dakar. Le ministre français de l’Economie et des Finances justifie cette décision par « le droit à l’information du consommateur ». Cette explication est bien sûr un peu courte car dans les autres secteurs économiques, on n’est pas tenu d’indiquer le lieu de fabrication ou d’origine des produits. Cette mesure risque d’être catastrophique pour les centres d’appels installés en dehors de la France et notamment au Sénégal. Les clients français exigent en effet un secret total sur l’identité et le lieu de résidence télé opérateurs. Des pays comme la Tunisie, le Maroc Maurice ou encore le Sénégal qui se sont beaucoup investis dans les téléservices sont visés.

Le Sénégal veut protéger ses intérêts

Ce texte a eu l’effet d’une douche froide auprès des responsables des centres d’appels installés à Dakar. Selon les estimations du Conseil national du patronat, près de 1500 emplois et plus d’une dizaine de milliards de francs CFA d’investissements réalisés ces dernières années sont menacés. Les responsables des centres d’appel s’organisent. PCCI qui fait l’essentiel de son chiffre d’affaires à l’export risque d’en souffrir. Les dirigeants de PCCI comptent également s’entretenir avec les confrères maghrébins le 11 octobre prochain pour harmoniser les positions et essayer de trouver une solution. Pour l’heure, les opérations se poursuivent normalement. La situation est vécue différemment à Call Me. En revanche, M. El Hadj Malick Seck, le directeur général ne semble pas être inquiété par l’arrêté. « Nous avons beaucoup misé sur le marché local et africain. Ce n’est août 2004 que nous avons commencé avec les offshore », explique t-il. Cette structure emploie aujourd’hui 70 télé-acteurs.

C’est surtout un coup dur pour l’économie sénégalaise en raison du potentiel en matière de création d’emplois. Le Sénégal commençait à se positionner comme une alternative crédible aux pays comme le Maroc ou la Tunisie. Le Sénégal dispose en effet d’atouts certains dans ce domaine.

Le Sénégal est compétitif du point de vue des coûts et des salaires.

L’infrastructure de télécommunication est de bonne qualité. La main-d’ ?uvre est disponible. Lors du dernier salon européen des centres d’appels organisé à Paris au mois de juin 2004, les prestataires sénégalais ont reçu de nombreuses offres de services. SNT, le second opérateur européen avait exprimé son intention de s’installer sur le site du technopôle de Dakar. Les responsables de l’Agence nationale chargée de la Promotion des Investissements et des Grands Travaux (Apix) s’attendaient au moins à l’implantation de deux grands opérateurs avant la fin de l’année.

Le patronat sénégalais compte s’engager dans la bataille pour protéger les entreprises sénégalaises. Selon le CNP, les arguments avancés par la France pour mettre en place son plan anti-délocalisation ne sont pas recevables, notamment dans le cadre de l’Organisation mondiale du Commerce. Selon M. Hamidou Diop, « la France veut se protéger de son désavantage comparatif en mettant en place de nouveaux obstacles techniques au commerce » dans le secteur des services. On rappelle que les pays sont en train de déposer leurs offres. Deuxièmement, la France anticipe sur les négociations de l’Accord de partenariat économique avec l’Union européenne qui doivent aboutir le 31 décembre 2007. L’accord de libre - échange avec l’union européenne va également porter sur les services. Le Conseil national du patronat (CNP) vient de saisir le chef de l’Etat sénégalais pour lui demander de faire en sorte que « notre pays et nos entreprises ne subissent pas les conséquences du plan anti-délocalisations du gouvernement français. » Pour faire bonne mesure, le président Baïdy Agne a aussi saisi le président du Medef, Antoine Seillière.

Sur ce coup-là, le soutien du patronat français est loin d’être acquis.Les intérêts des deux parties sont en effet divergents. C’est le moins que l’on puisse dire.

Carine Alougou (avec I. Dieng)

(Source : Le Journal de l’économie, 11 octobre 2004)

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