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Dissolution de l’ADIE : SENUM, la nouvelle société nationale aux allures d’une divergence numérique

dimanche 12 décembre 2021

L’Agence de l’Informatique de l’Etat (ADIE) longtemps chargée de la gestion des services numériques de l’Etat va être dissoute. C’est ce que prévoit un nouveau projet de loi présenté au Chef de l’Etat. Elle sera remplacée par une nouvelle société dénommée Sénégal Numérique SA (SENUM) chargée de gérer les infrastructures numériques, services de l’administration ainsi que la mise en œuvre de la politique d’informatisation de l’Etat. Au sein de l’écosystème numérique, l’annonce est diversement appréciée. Si certains pensent que la nouvelle société sera un patrimoine national capable de renflouer les caisses de l’Etat, d’autres, par contre, émettent des réserves dans sa mise en œuvre.

L’annonce de la mise en place de la SENUM fait déjà grincer des dents au sein des acteurs de l’écosystème du numérique. En effet, la nouvelle societé Sénégal Numérique SA qui aura pour mission de mener et promouvoir, en coordination avec les différents services de l’administration, les autres organes de l’Etat et les collectivités territoriales, tout type d’actions permettant à l’administration de se doter d’un dispositif cohérent de traitement et de diffusion de l’information n’est pas très bien accueillie. Pour cause, sa mission de rentabiliser les investissements de l’Etat (infrastructures numériques, surcapacités de fibres optiques) et en assurer le besoin de leur maintenance est un peu floue aux yeux de plusieurs acteurs.

Selon Samba Sène, on ne peut pas, du jour au lendemain, prendre une décision aussi importante que structurelle, sans aucune concertation avec les acteurs, en particulier ceux du privé. « Toutes les réformes qui ont réussi dans ce secteur ont été mises en œuvre après de larges concertations réalisées dans la transparence », rappelle-t-il.

Poursuivant, le fondateur et Directeur général de WISS Africa, un cabinet de conseil spécialisé dans le développement de logiciels, l’innovation numérique et la formation en gestion de l’innovation, estime que créer une société nationale pour prendre en charge toutes les activités numériques de l’Etat (infrastructures, services et applications, sécurité, etc.) ne va pas dans le sens de l’histoire, voire des intérêts du pays, surtout qu’on a un secteur privé du numérique dynamique qu’on veut renforcer et qui doit produire des champions sous-régionaux. A sa connaissance, poursuit-il, « même à l’époque glorieuse des sociétés (1980-2000) dont la plupart ont été des échecs cuisants et des gouffres à sous pour l’Etat, il n’y a jamais eu de société nationale dans le domaine de l’informatique, dans les télécoms oui, mais à cette époque, le Sénégal était plutôt à l’avant-garde ».

Menaces sur le secteur privé ?

Ancien Directeur de Techno Center Africa, le centre d’innovation du Groupe Orange Telcom Afrique et Moyen-Orient basé à Abidjan, Samba Sène a fondé le premier Orange Fab en Afrique, un accélérateur de startup placé sous l’égide du groupe Orange. Quand il parle du numérique, c’est tout l’écosystème qui l’écoute.

Pour lui, dans la dynamique de rentabilisation des infrastructures, « remplacer l’ADIE par une société nationale ayant la haute main sur toutes les activités numériques de l’Etat, n’est pas une solution ». Selon l’ingénieur en télécommunications de formation, s’il y a un perdant, ça risque d’être le secteur privé sénégalais.

« A longueur de documents de stratégies et de grandes déclarations, on dit vouloir renforcer les privés nationaux du numérique. Mais à terme, ils risquent de perdre gros avec cette nouvelle société », a-t-il alerté. Pour lui, il faudra d’abord analyser/auditer le fonctionnement de l’ADIE pour « bien comprendre pourquoi elle est incapable de rentabiliser les investissements qu’elle a fait réaliser par l’Etat ».

Questions autour d’une éventuelle régulation ?

Ancien directeur de l’agence de l’informatique de l’Etat, Tidiane Seck, a une autre lecture de la chose. Selon le Directeur général de Performance Group, si l’Etat songe à remplacer l’agence pour une nouvelle société, cela voudrait dire « que l’État n’arrive pas à trouver dans le budget, les 5 milliards de FCfa par an qui seraient suffisants pour assurer l’entretien et la pérennisation des investissements consentis pour mettre en place la fibre optique et les data-centers ».

Par conséquent, dit-il, la SENUM va faire payer les administrations, afin qu’elles puissent bénéficier des services numériques, à l’image de l’eau et de l’électricité.

« Avec tous ces éléments, la SENUM devient un acteur du marché et donc elle doit être soumise à la régulation du secteur du numérique. De ce fait, ses services seront dans un marché concurrentiel », souligne-t-il. Et c’est à ce niveau que ça coince. Selon M. Seck, cette concurrence sera totalement déloyale, car à ses yeux, la SENUM bénéficie des ressources publiques (le patrimoine commun va lui être délégué de-facto). Ainsi, se désole Tidiane Seck, il ne faudrait pas mettre en péril le secteur privé local. « Il faudrait que la concurrence soit équitable et que la SENUM ne puisse pas bénéficier de marchés captifs ou exclusifs de l’Etat qui est le premier client du secteur privé en termes de chiffre d’affaires », plaide-t-il.

Une mission interconnectée

La SENUM risque d’avoir des problèmes avec la présence constatée de plusieurs anomalies et chevauchement dans le déploiement de sa mission, d’après nos informations.

En effet, plusieurs sources estiment que la mise en œuvre des Systèmes d’Information structure de l’Etat des ministères ne peut pas être confiée à une structure non administrative. « Chaque département ministériel doit garder les prérogatives sur son SI métier et doit être libre de recourir aux prestataires de son choix dans le cadre normal des appels d’offres. En plus de cela, la future SENUM mettant en œuvre ses services, ne peut pas en même temps assurer le contrôle qualité sur ces mêmes services. Il faut recourir à une expertise indépendante », dit une source.

Investissements d’envergure, programmes démarrés : Risques d’enchevêtrement

Insistant sur le volet sécurité dans le numérique, le Président de la République avait instruit que la politique de sécurité des systèmes d’information de l’Etat du Sénégal PSSI-IE et la Stratégie Nationale de Cybersécurité du Sénégal (SNC2022), soient confiées à une structure spécifique. Selon Samba Sène, ce volet doit être de facto, exclu des missions de la SENUM. 

« Donc est-il raisonnable et sérieux d’élaborer une stratégie avec la participation massive des acteurs et de prendre des décisions/mesures structurelles qui ne sont pas prévues dans cette stratégie ? Une décision aussi importante devrait être soumise au Conseil national du numérique si l’État considère que cette structure n’a pas été créée juste pour la forme ? », argue M. Sène.

« Par ailleurs, pendant ce temps, l’Adie continue de fonctionner normalement avec beaucoup de décisions d’investissement. C’est l’exemple du câble sous-marin (avec Huawei) qui va joindre le Cap-Vert, le Brésil puis le Portugal. C’est pourquoi, dit-il, l’État sénégalais n’avait pas besoin de cet investissement pour, selon l’ADIE, faire baisser les coûts de l’Internet. D’autres solutions moins onéreuses existent, » préconise Samba Sène.

Par ailleurs, révèle-t-il, « l’ADIE a signé un contrat avec une entreprise étrangère (TATA) alors qu’aucun appel d’offre n’a été publié. Cette entreprise étrangère aura la charge de gérer l’infrastructure de l’ADIE en commercialisant la surcapacité aux autres entreprises du secteur des télécommunications. Ni le Régulateur l’ARTP, ni le Ministère du Numérique, ni les acteurs du secteur national du numérique n’ont été associés à ce processus », précise-t-il.

Dans le détail, dit M. Sène, la Banque mondiale et le Ministère des Finances avaient lancé un appel à manifestation d’intérêt pour recruter une entreprise pour commercialiser la surcapacité en fibre optique de l’ADIE. Mais, souffle-t-il, cette procédure n’a jamais été jusqu’au bout. Pire, à ce jour, dit-il, « aucune explication officielle n’a été donnée sur les raisons de l’arrêt de cette procédure ».

« Ce changement va faciliter la mutualisation des infrastructures et permettre au secteur privé d’avoir accès aux infrastructures » Cheikh Bakhoum, DG ADIE

Des informations qui nous sont parvenues font état d’une future transformation de l’Adie en une société appelée SENUM. Que pensez- vous de cette initiative ?

D’emblée, il faudrait retenir qu’il s’agit là d’une initiative du Gouvernement du Sénégal qui a initié cette réflexion en vue de la transformation du statut juridique, pour mieux s’adapter au contexte actuel où le numérique a pris une dimension importante dans tous les secteurs socio-économiques et dans la délivrance des services publics de qualité aux usagers, mais également à la nécessité de se constituer comme un support à l’endroit des différentes administrations et les collectivités locales. Aussi, les évolutions technologiques, institutionnelles et réglementaires nécessitent une révision du statut de l’ADIE qui n’est plus adapté à la spécificité des missions qui lui sont confiées, notamment la digitalisation de l’Administration, l’aménagement numérique du territoire, la préservation de la souveraineté numérique par la sécurisation des données de l’Etat. Il faut ajouter également qu’aujourd’hui, la présence massive des technologies, dans nos vies, qui doivent apporter plus d’efficacité, nécessite forcément des changements organisationnels capables d’apporter la transparence et les ressources nécessaires pour renforcer l’efficacité des services administratifs et les administrations en générale.

Qu’est-ce qui va changer ?

Ce changement devrait permettre de passer du statut d’agence d’exécution au statut de société nationale avec toutes les implications juridiques, organisationnelles, financières, etc. que cela implique. Pour rappel, la création de l’Agence de l’Informatique de l’Etat (ADIE), structure administrative autonome, investie d’une mission de service public, en 2004, a été un tournant décisif dans la politique d’informatisation de l’administration sénégalaise. En effet, l’objectif principal était de mettre en œuvre la politique d’informatisation définie par le Président de la République.

Aussi, est-il nécessaire de souligner l’ampleur des investissements consentis par l’Etat qui a fait de l’ADIE un acteur majeur du secteur numérique, doté d’une infrastructure réseau dont la rentabilisation n’est pas encore optimale en raison de ce cadre juridique inadéquat.

Par conséquent, ce changement qui va faciliter la mutualisation des infrastructures devrait permettre au secteur privé d’avoir accès aux infrastructures et de bénéficier de la réduction des coûts d’investissements induits par cette mutualisation sans compter les effets positifs de cette mesure sur l’aménagement du territoire et les coûts des services commercialisés au profit des consommateurs.

Est-ce une façon pour l’Adie d’être plus performante ?

L’objectif de ce changement de statut juridique, par la création de la Société nationale du Numérique (SENUM), est de faire face aux exigences d’un réseau d’envergure nationale nécessitant des moyens financiers importants pour son exploitation et sa maintenance.

Cette mutation devrait permettre de mieux rentabiliser les infrastructures en optimisant les capacités excédentaires et en mettant à la disposition de l’administration et du secteur privé des produits et services innovants et rémunérés.

Avec la rareté des ressources, cette mutation aura l’avantage de favoriser une souplesse dans la gestion et la déclinaison des objectifs et des orientations afin de mieux s’adapter aux mutations du secteur du numérique qui exigent une organisation agile

Enfin, avec les moyens issus de ce changement, cette réforme devrait permettre d’accélérer la digitalisation de l’Administration, qui est un pilier fondamental de l’économie numérique, moteur de la croissance économique.

(Source : Social Net Link, 12 décembre 2021)

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